"Une transafricaine de l'indocilité ?" Sémiologie et praxis des mouvements de mobilisation citoyenne en Afrique
Mamadou Dime  1@  , Pascal Kapagama  2@  
1 : Département de sociologie, Université Gaston Berger de Saint-Louis
2 : Département de sociologie, Université de Kinshasa

Dans la plupart des pays d'Afrique, les jeunes continuent d'être au premier rang dans les actions de contestation et de mobilisation sociopolitiques. Ils sont les porte-étendards des mouvements d'opposition pour exprimer leur révolte et leur rejet d'un ordre sociopolitique pouvant être perçu comme injuste, oppressif ou violent. La jeunesse africaine a donc une longue tradition de dissidence et d'indocilité dont les racines remontent à la période coloniale. Cette dynamique de mobilisation ne s'est jamais estompée car parvenant à chaque fois même dans les régimes les plus répressifs à conquérir des espaces de liberté. 

Cette contestation est portée par des mouvements qui ont joué et, continuent de jouer, un rôle sociopolitique majeur en termes de revendications pour plus de démocratie, de liberté et de prise en charge des problèmes de la jeunesse mais également de lutte contre la mauvaise gouvernance et l'exploitation économique (par exemple, la mobilisation contre la monnaie franc CFA, contre les accords de partenariat économique avec l'Union européenne). Ces mouvements qui cherchent à susciter, attiser, capter et instrumentaliser la colère juvénile contre les régimes politiques sont, parmi les plus en vue : Y'en a marre (Sénégal), Filimbi et Lucha (en République démocratique du Congo), Balai citoyen (Burkina Faso), Tournons la page (Burundi), SOFAS (Mali), Stop à la mauvaise gouvernance (Guinée), Ça suffit comme ça (Gabon). Les actions de contestation sociopolitique actuellement en cours au Togo mettent en lumière également le degré de mobilisation des jeunes et des mouvements de la société civile dans ce pays.

Ces mouvements semblent jeter les contours d'une « transafricaine » de la mobilisation citoyenne qui exploite les opportunités des technologies de l'information. N'ayant de structure organisée comme les partis politiques ou les syndicats, ces mouvements revendiquent le statut de mouvements citoyens désireux d'impulser une « citoyenneté transafricaine » plus constructive. Cependant, ils ont du mal à dépasser la stratégie protestataire à l'origine de leur éclosion. 

Ce panel se propose d'être un cadre d'analyse et de débat sur les sémiologies, les implications et le devenir des dynamiques d'engagement citoyen qu'affirment incarner des mouvements comme Y en a marre (Sénégal)Balai citoyen (Burkina Faso)Lucha et Filimbi (RDC) et les actions de mobilisation sur les enjeux économiques (monnaie franc CFA), migratoires et politiques (droits humains). Les thématiques abordées dans ce panel sont : les pratiques, formes et processus de participation sociopolitique des jeunes en Afrique, significations sociologiques de ces vecteurs d'une nouvelle citoyenneté, stratégies d'organisation et le rôle-clef dévolu aux médias sociaux, les convergences et les discordances entre ces mouvements en fonction des contextes nationales, de leur ancrage sociopolitique et de leurs trajectoires, les limites inhérentes à ce type de mobilisation ayant souvent du mal à survivre à la stratégie protestataire à l'origine de son éclosion. On s'interrogera enfin si ces mouvements sont une spécificité des pays africains francophones.


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