A partir des années 1920, les administrateurs coloniaux, parfois soutenus par les élites intermédiaires africaines, mettent en place différents dispositifs de gestion de la vie corporelle, sociale, économique, religieuse et politique des colonies. Ceux-ci introduisent une nouvelle dualité masculin / féminin, puisée aux sources de la "modernité occidentale". Elle s'incarne tout particulièrement dans les loisirs (sport, vie nocturne), la santé (maternité, contraception, hygiène), l'éducation (écoles, associations) et la famille (mariage, enfants) (Mann, 1985 ; Miescher, 2005 ; Hugon, 2005 ; Baller, 2007 ; Barthélémy, 2010 ; Prais, 2014 ; Nicolas, 2017).
Ce panel interroge la réinterprétation postcoloniale de ces dispositifs. Leur consolidation tout au long des années 1940 est allée de pair avec une critique naissante et l'apparition de modèles alternatifs, proposés par les Africain·e·s. Ce n'est cependant qu'à partir des indépendances qu'ils sont véritablement discutés. Comment influencent-ils les relations de genre et leur définition ? Certains États semble s'inspirer de modèles alternatifs, quand d'autres suivraient le modèle métropolitain de plus près. Mais surtout, ces réappropriations semblent se situer à mi-chemin entre rejet et reproduction.
La reconfiguration de ces archétypes de féminité et masculinité prend racine, entre autres, dans la multiplication des échanges à l'échelle globale (notamment issus des USA, de l'URSS, d'Europe ou d'autres pays africains). Ceux-ci se développent notamment au sein de points de contact privilégiés (conférences internationales, associations diasporiques, institutions de la coopération, etc.), dans le cadre de migrations (notamment étudiantes) ou via des circulations médiatiques (revues, radio, littérature, musique, cinéma, etc.).
Le panel accueillera des interventions multidisciplinaires portant un regard historique sur la recomposition postcoloniale des féminités et des masculinités. Il sera question d'interroger l'action de multiples acteurs dans la réinterprétation des dispositifs de gestion de la vie sociale et par conséquent, des assignations de genre. Également, le rôle des mouvements sociaux (manifestations, réseaux militants, syndicats, etc.), des mouvements non-protestataires et des associations de sociabilité (sportives, littéraires, mutuelles d'épargne, etc.) pourront être pris en compte. De même, ce panel vise à interroger le rôle des discours visuels et textuels (presse, art, mode, etc.) dans ce processus de légitimation ou de contestation du modèle colonial. De quelle manière les discours et les actions politiques et sociales des Etats indépendants se raccrochent-ils à la fois à des mémoires "enchantée" et "désenchantée" de l'Etat-providence colonial ? Quel rôle a joué la circulation des idées et des acteurs/actrices dans la recomposition de l'Etat postcolonial ? Quelles variables permettent la multiplication d'idées concurrentes sur la féminité et la masculinité ? Comment l'Etat se positionne-t-il vis-à-vis de celles-ci ?