L'engagement citoyen et la participation politique des migrants : entre enchantement et désenchantement
Stéphanie Lima  1@  
1 : INU Champollion Albi - UMR LISST
Institut National Universitaire Champollion [Albi]

Même si la réalité peut être contrastée selon les contextes nationaux, force est de constater que les migrants sont des acteurs majeurs dans les dynamiques de reconfiguration des paysages sociopolitiques dans les Afriques. Le rôle des migrants comme acteurs de développement a fait l'objet d'une production scientifique abondante. Celle-ci a polarisé son regard sur les transferts de fonds, les actions de développement et les capacités des migrants à drainer vers les territoires de départ l'argent, les projets et les ressources du « marché du développement ». Les cadres au sein desquels cette participation à distance s'actualise (associations de migrants, groupes de pression, regroupements identitaires) ont servi de lieux d'incubation d'une parole et d'une conscience citoyenne, alimentées par l'expérience migratoire, qui permet de disposer de modèles de référence et de standards d'appréciation, voire de « dépréciation », des pratiques de gouvernance dans les pays d'origine. Avec une certaine dose d'enchantement, les Etats africains ont pris le relais de ces dynamiques et conçus des dispositifs permettant de capter les ressources de leur diaspora.

À la lumière des évolutions politiques (décentralisation, démocratisation, territorialisation des politiques publiques, coopération décentralisée) et des profils de plus en plus changeants des migrants, ceux-ci ne veulent plus être cantonnés dans une posture de « guichet automatique ambulant ». Ils aspirent à plus de responsabilité et de poids dans les processus de décision et dans les dynamiques sociopolitiques à l'échelle locale notamment. Le militantisme politique, la dissidence citoyenne, l'indignation et la critique deviennent des outils mobilisés par les migrants pour une implication dans le jeu politique dans une perspective de ré-enchantement des territoires et des communautés.

Le Mali et le Sénégal constituent des exemples édifiants de l'irruption des migrants dans les dynamiques sociopolitiques pour assumer des responsabilités dans les collectivités locales et territoriales (migrants devenus des élus locaux, députés de la diaspora), contribuer au renouvellement des modes et processus de gouvernance (intégration de la variable migration dans les outils de planification locale, budgétisation sensible à la migration, etc.) et participer aux dynamiques de recomposition politique. Les migrants mobilisent ainsi une palette de ressources et de compétences acquises ou consolidées tout au long de leur expérience migratoire, parfois dans la perspective d'un retour légitime au pays.

En partant de ce contexte, ce panel pluridisciplinaire a pour objectif d'analyser les contributions des migrants dans les processus de mobilisation citoyenne et de recomposition politique dans les Afriques, entre enchantement et désenchantement, étant donné l'instrumentalisation et les injonctions dont ils sont la cible. On insistera sur la diversité des profils des migrants ainsi que la pluralité de leurs parcours et de leurs expériences d'engagement citoyen et de participation politique. Une attention soutenue sera consacrée à une saisie des significations de l'implication sociopolitique des migrants en veillant à faire ressortir les caractéristiques des migrants en question et leurs motivations. Le but sera de démontrer jusqu'à quel point l'expérience migratoire est mise au service d'une « trajectoire » dans le champ politique et/ou de la mobilisation citoyenne.


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