Notre proposition de panel s'inscrit dans l'axe 3 des Rencontres des études africaines en France « Désenchantements, migrations et nouvelles solidarités » avec une thématique principale qui relève des migrations et des mobilités. A la suite de ce panel, nous envisageons un projet de publication avec les contributions des participants.
Dans un contexte de mondialisation, le cadre de solutions proposé par les esprits n'est plus toujours adapté aux projets de vie des adeptes des cultes ancestraux, ancrés dans le local. Ainsi, ces esprits historiquement référencés s'adaptent aux nouvelles exigences contemporaines et accueillent au sein du panthéon de nouveaux personnages plus à même de traiter des demandes dans des contextes de migration nationale et/ou transnationale. Afin d'affronter ces nouvelles exigences et répondre aux attentes contemporaines et aux mouvements des fidèles, les modalités pratiques du religieux sont reconfigurées. Les mouvements entendus ici révèlent une dimension territoriale mais aussi inter-religieuse.
Les communicants du panel interrogeront également la construction d'esprits étrangers et leur inscription dans un panthéon ou un réseau d'esprits local. Ces études de cas amèneront à penser la place et la légitimité d'une multitude d'esprits internationaux mobilisés par des officiants du culte ancestral en réponse aux problématiques migratoires formulées par les fidèles. Ils représentent un « melting pot d'esprits d'origines diverses » particulièrement observables en milieux urbains (Fiéloux et Lombard, 1995 : 334). Par exemple, les Malgaches candidats au visa auprès d'ambassades européennes mobilisent un esprit mondialisé et au passé de migrant au nom francophone, mais présenté comme un « arabe » (Legrip-Randriambelo, 2014), ou encore, les Américains adeptes du mouvement Akan communiquent avec des esprits du Ghana ou du Togo réduits en esclavage et qui narrent leur histoire par la transe de possession (Guedj, 2009).
Ces liens entre religion et (volonté de) migration mettront en avant une dimension spatiale du religieux ainsi qu'une approche transnationale du fait migratoire (Dejean et Edelstein, 2013). De même, les esprits en situation de migration et les cultes qui leur sont rendus peuvent être pensés comme des cultes transterritorialisés (Cros, 1995 : 229), du point de vue des croyants migrants mais aussi des esprits immigrés. Les entités de l'autre monde peuvent se détacher de leur lieu d'ancrage dans le territoire géographique (Zempléni 1996 : 339) : les esprits migrent, déménagent, s'exportent. De ce fait, le sacré n'est pas inamovible quand on parle de migration. Nous parlons alors de recréation d'un ordre cosmologique et d'un rapport au sacré en des « objets » spatiaux réaménagés ou nouvellement inscrits comme territoire. Ainsi la Vierge de Santa Cruz déplacée d'Oran à Nîmes par les Européens d'Algérie devient la « Vierge des migrants » ou la « Vierge des exilés » et le sanctuaire déplacé s'inscrit dans le « diocèse de la dispersion » fondé dans le sud de la France (Baussant, 2007).
Nous aborderons divers questionnements : comment ces esprits étrangers, eux-mêmes issus (favorablement) d'une situation migratoire sont-ils accueillis et consultés ? Comment les migrants mobilisent les esprits, saints ou dieux dans leur projet de déplacement puis en migration ? Comment se manifeste le religieux dans la mobilité ?