Une anthropo-scène africaine? Les politiques du climat et de la transition énergétique dans la reconfiguration des modes de vie, des identités et des conflits.
Benoit Hazard  1@  
1 : Institut Interdisciplinaire d'Anthropologie du Contemporain  (IIAC)  -  Site web
CNRS : UMR8177, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS)
105, boulevard Raspail 75006 Paris -  France

Alors que les travaux visant à documenter la thèse de l'anthropocène se multiplient, l'Afrique demeure le continent absent de ce grand récit. Les signes (biomes et flux anthropiques) permettant de représenter et de cartographier, sous l'égide de l'International geosphere and biosphere program (IGBP), les ensembles écologiques aménagés et impactés par les humains, et donc de symboliser des paysages (scapes) de l'anthropocène, restent épars, pour ne pas dire invisibles. Ce constat suffit-il à en déduire que le continent ne peut être englobé dans cette perspective transhistorique qui, de manière sous-jacente, dessine une trajectoire hégémonique du développement fondé sur la croissance exponentielle et l'extraction à grande échelle des énergies fossiles, celle des « carbon democracy » ? Alors que les publications récentes soulignent le caractère européo centré, homogène et uniformes de l'anthropocène , d'autres travaux l'inscrivent dans la poursuite des rapports de l'échange inégal entre le monde occidental et le reste du monde, entre le centre et ses périphéries. Ils suggèrent, à l'exemple du concept de « nucléarité », la possibilité de provincialiser ce récit à partir des expériences vécues dans les lieux d'accaparement des terres, d'extraction à grandes échelles des énergies fossiles et des ressources de la croissance. Ce panel propose de déplacer le regard vers l'Afrique en tant qu'elle représente une anthropo-scène, c'est-à-dire un espace où l'exploration et la création de nouvelles ressources dans le contexte du changement environnemental d'échelle global redessinent de nouveaux paysages.

On se propose d'explorer et de décrire les anthropo-scènes africaines, et en particulier de porter le regard sur le cas des terres marginales qui font l'objet d'une véritable pratique de prédation, d'accaparement des ressources et de conversion des usages, en particulier dans le secteur de l'énergie. Si jusque dans une période récente, l'énergie produite à l'échelle du continent provenait à 80% de la biomasse, nombres d'Etats se saisissent de l'opportunité des politiques de réductions de gaz à effet de serre et des conférences sur le climat (fonds verts, fonds climats) pour réaffirmer ad minima leur volonté d'indépendance ou de « solidarité énergétique », ou pour initier ad maxima un secteur des énergies dites « renouvelables ». Les contributions déclineront les possibles facettes d'une « transition énergétique africaine ». Les approches traiteront de l'une des questions, non limitatives, suivantes : Comment les politiques de mitigation du climat et de « dé-carbonation » de la planète se traduisent dans les politiques nationales et sont mises en œuvre à l'échelle du local ? Dans le contexte de la dette climatique, les initiatives africaines dans le secteur de l'énergie relèvent-elles de perpétuelles logiques d'extraversion ou témoignent-elles d'une nouvelle géopolitique ? Quelles sont les conséquences socio écologiques, en particulier pour des organisations sociales et politiques fortement dépendante des ressources naturelles, des politiques nationales et des investissements dans le secteur de l'énergie. Comment les changements d'usage des ressources nécessaires à la production des « énergies vertes » redessinent les conflits, les mobilisations et les résistances des sociétés ? Y-a-til des intersections visibles entre la diversité des capitalismes « verts » et le colonialisme environnemental ? Les communications attendues devront êtres centrés sur des études de cas.


Personnes connectées : 1