Eclairer les nuits urbaines d'Afrique
Thomas Fouquet  1@  , Didier Nativel@
1 : Institut des Mondes Africains
Université Panthéon-Sorbonne, Institut de Recherche pour le Développement : UMR8171, École des Hautes Études en Sciences Sociales, Ecole Pratique des Hautes Etudes, Aix Marseille Université : UMR8171, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR8171

Les recherches urbaines en Afrique ont été, à ce jour, principalement abordées à partir de l'ordre diurne. Or la nuit, investie de manière de plus en plus intense depuis l'époque coloniale, est souvent devenue un symbole essentiel de l'urbanité, particulièrement dans les grandes métropoles du continent. Du reste, ce qui fonde l'authenticité et la désirabilité d'une ville, africaine ou non, c'est précisément qu'elle « ne dort jamais ». Nous souhaiterions à travers ce panel, montrer tout l'intérêt d'une approche des villes par leurs versants nocturnes. En effet, la nuit venue, la ville se métamorphose. De nouveaux groupes se forment et de nouveaux liens se tissent temporairement, souvent à travers le franchissement de limites sociales, morales et géographiques établies durant le jour ; des activités ludiques ou économiques impriment d'autres rythmes dans la ville et renouvellent la physionomie du territoire citadin ; des opportunités se dessinent, ou semblent se dessiner, aux yeux des laissés pour compte du temps diurne. Mais cette reconfiguration citadine porte en elle une contradiction : les raisons mêmes qui font aimer la ville nocturne à certains, en font un objet de peur ou de répulsion pour d'autres ; si la nuit est veillée, elle doit alors être étroitement surveillée. Sur ce constat, différentes pistes de recherche peuvent être envisagées. On peut d'abord considérer la ville nocturne comme un monde en soi, porteur de ses propres logiques sociales, morales, économiques et politiques, établies sur le temps long et néanmoins en constante reconfiguration. Ensuite, les scènes urbaines nocturnes réfractent localement des tendances bien plus amples, voire globales, et elles s'apparentent en ce sens à des lucarnes ouvertes sur des mondes plus vastes, dans des contextes où une majorité de jeunes citadins aspirent à partir en migration vers le Nord. Nous proposons enfin que la nuit a beaucoup à dire du jour et qu'il convient ainsi d'étudier les logiques de constitution réciproque de ces deux temporalités de la ville, l'une servant de révélateur à l'autre. De telles perspectives doivent permettre de lire autrement les relations villes-campagnes, Afrique-Monde, sociétés-pouvoirs, mobilités-immobilité, ou encore visible-invisible. Historiens, anthropologues, géographes, politistes, spécialistes de littérature ou de musique peuvent aisément dialoguer autour de ce champ encore inégalement exploré. Le travail sur les concepts académiques ou vernaculaires - i.e. les modes d'énonciation de la ville nocturne -, les approches empiriques décrivant la diversité des expériences nocturnes, ou encore l'examen du gouvernement (colonial comme postcolonial) nocturne des villes constituent quelques exemples de thèmes que nous souhaiterions aborder dans ce panel.


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