Alors que les travaux sur les affects (Rosenwein, 2002) et les sexualités (Arnfred 2004) se sont multipliés ces dernières années, en Afrique comme dans d'autres contextes, le thème du sentiment amoureux reste peu exploré. En 2009, avec l'ouvrage Love in Africa, Jennifer Cole et Lynn M. Thomas ouvraient un nouveau chantier que nous entendons poursuivre. Cet atelier souhaite ainsi questionner les diverses manières dont les sociétés africaines, les Africain.e.s en migration ou les Européen.ne.s en contexte africain définissent et expriment le sentiment amoureux.
Cet atelier entend ainsi ouvrir un dialogue disciplinaire (histoire, littérature, anthropologie, sociologie) autour des expressions de l'amour et du désir dans les sociétés africaines. Les communications attendues porteront une attention soutenue à la contextualisation sociale, politique et économique des manières de dire l'amour, aux choix des mots et aux transformations historiques des modalités d'énonciation. Elles devront s'appuyer sur des corpus de textes bien définis afin d'explorer, sans exclusive, les axes de recherche suivants :
Les sources de l'amour : Des petites annonces aux séries télévisées et à la musique, le thème et les mots de l'amour abondent dans les médias et la littérature. Omniprésent dans l'espace public, comment s'énonce l'amour dans la sphère de l'intime ? Comment saisir la manière dont s'éprouve, se formule, se vit le sentiment amoureux au quotidien ? Lettres et mots doux sont des documents précieux, mais difficilement accessibles et qui posent des problèmes éthiques à qui parvient à les recueillir. Archives radiophoniques et enquêtes ethnographiques permettent quant à elles d'appréhender l'énonciation orale de ce sentiment. Sur quel support, dans quelle langue, avec quel vocabulaire formule-t-on l'amour ? L'analyse textuelle des discours amoureux permettra d'appréhender les imaginaires qui nourrissent ce sentiment, ce qui relève du dicible et de l'indicible. Comment sont manipulés les clichés et stéréotypes, quel est l'impact de la langue et des intertextes dans la construction de l'imaginaire amoureux ? Sans nous limiter aux sources personnelles, cet atelier envisage aussi de traquer le sentiment amoureux dans des sources officielles et administratives. Ne se nicherait-il pas là où on l'attend le moins ?
L'amour, expression et instrument du social et du politique : les mots de l'amour sont travaillés par des rapports de classe, de genre, d'âge et se transforment au gré des générations. Il s'agira d'interroger ce que ces mots disent des maux amoureux, des aspirations et horizons d'attente. Sont-ils le reflet des transformations des rapports de genre et de sexualités ainsi que des formes d'individualisation ? Dans quelle mesure la relation amoureuse participe-t-elle de la socialisation et de l'incorporation de règles affectives ? À titre d'exemple, les travaux sur les écoles coloniales ont montré l'importance de l'éducation sentimentale dans le projet colonial (Barthélémy 2009). Y a-t-il des moments de l'histoire propices à l'énonciation amoureuse et d'autres à sa réduction au silence ? Épidémies, guerres, révolutions, indépendances affectent-elles les conceptions de l'amour ? À l'échelle individuelle, l'éloignement (migration, exil), les ruptures biographiques (deuil, mariage, enfantement) constituent également des facteurs de redéfinition de l'expression des sentiments.