L'Afrique est connue pour l'importance et la diversité de ses ressources naturelles. Les études de la période coloniale ont mal compris et donc sous-estimé les gestions des ressources naturelles et construit des référentiels écologiques erronés, comme ceux d'Aubréville (1950) pour les études des forêts et des savanes de l'Afrique de l'Ouest (Ballouche, 2016). Or, de nombreux systèmes de gestion et d'exploitation des ressources naturelles sont très anciens pour les ressources végétales (Ballouche, 2016), halieutiques (Cormier-Salem et al., 1998) ou minières (Conrad, 2005).
La quasi-totalité des espaces et des milieux sont aujourd'hui exploités et gérés et le sont depuis longtemps, sans pour autant qu'ils soient immuables. Ils appartiennent à des terroirs (ou des finages) et sont l'objet d'une patrimonialisation locale visant une gestion décidée localement. En Afrique comme ailleurs, les ressources naturelles, peuvent être plus ou moins bien gérées, en fonction des contextes, les pressions économiques, des moyens techniques à disposition.
Aujourd'hui, les politiques, mondiales et nationales de protection de la biodiversité, de gestion durable des ressources, sont nombreuses, généralement exogènes et s'imposent sur les systèmes de gestions locales des ressources. La préservation en revanche est plus souvent endogène. Une partie croissante de ces espaces sont donc l'objet, d'une ou plusieurs formes de protection de la nature ou de réglementation de la gestion des ressources naturelles. Ainsi, l'exploitation qui est généralement le fait d'individus, de familles et de villages se retrouve confrontée à la protection de ces ressources qui est généralement le fait de politiques internationales et nationales. Cette superposition de l'exploitation des ressources et de la protection de la nature pose aujourd'hui des problèmes justifiant une attention de la part de la science. Il faut s'interroger sur la manière de mieux prendre en compte les acteurs locaux et tenter, dès le départ des politiques de protection, d'avoir un processus participatif pour tenter de concilier protection et bien être des communautés locales. De nombreux exemples sur le littoral ouest africain (AMP, réserve dont celle du Saloum, patrimoine de l'UNESCO ; le lac de Guiers et la réserve de Ndiael, en Basse Casamance et en Bissau), mais aussi dans des zones intérieures cruciales (Fouta Djalon, Delta Intérieur du Niger, etc) montrent que du chemin reste à faire pour construire cette démarche.
Ainsi, une lecture multiscalaire qui prend en compte les jeux d'acteurs aux différentes échelles révèle souvent des formes d'ingérence écologiques (Rossi, 2000) ou d'accaparement (Cormier-Salem et Panfili, 2016). Le panel a pour objectif d'organiser des discussions, basées sur des cas d'études concrets permettant de mettre en relation d'exploitation des ressources naturelles (en particulier celles mises en places par les populations locales et rurales) et la mise sous cloche de ces réserves sous prétexte de patrimonialisation, soit des ressources elles-mêmes, soit de la biodiversité comme patrimoine mondial.