Les sociétés africaines sont au cœur d'un renouveau religieux : foisonnement de pratiques et idées rigoristes, montée du piétisme, multitude de nouvelles associations islamiques et chrétiennes, présence accrue de financements transnationaux et internationaux.
Ce panel vise à faire la lumière sur l'une d'elles, à savoir l'apparition de nouveaux entrepreneurs socio-politiques islamiques et chrétiens, véritables 'figures de la réussite' (Banégas et Warnier, 2001) qui émergent depuis les marges des hiérarchies sociales habituellement aux commandes de l'islam ou du christianisme. Il s'agit principalement de femmes, de jeunes, d'individus issus des « castes » subalternes des communautés ouest-africaines ('anciens captifs'; 'castés'), entre autre, qui parviennent à contourner les structures de domination en investissant les sphères économiques, sociales et/ou politiques du champ religieux. Ces « figures de la réussite » religieuses sont au cœur de ce renouveau religieux Elles pilotent la construction de complexes socio-éducatifs, lancent des médias, créent et dirigent des partis politiques, ouvrent des agences de voyage pour le hajj, développent des entreprises de mode féminine islamique ou de services-conseils ‘en moralité' (expertise-conseil sur le mariage, l'abstinence, le Sida, la famille). Il s'agit d'appréhender ces logiques de mobilisations qui s'inscrivent dans une pluralité d'appartenances (islam local, national, transnational et global), se réfèrent
à des normes religieuses (moralisation des mœurs, piétisme, « profil du bon musulman/du on chrétien»), dans un contexte où les formes de solidarité (ethnie, genre, statut social) peuvent contraindre l'ascension sociale (Foucher et Smith, 2011). Ce faisant, il importe aussi de mieux comprendre les dynamiques intergénérationnelles en rendant compte des trajectoires d'individus au sein de plusieurs générations.
Parmi les nombreuses interrogations que ce panel pourrait explorer, notons par exemple:
- Pourquoi, mais aussi comment, ces entrepreneurs religieux, issus de catégories sociales subalternes parviennent-ils à mener leurs projets à terme, dans un contexte où les normes dominantes imposent d'importantes contraintes ? On peut ainsi se demander comment des individus sont passés du simple statut de militant à celui d'entrepreneur religieux et sont devenus des acteurs incontournables de l'espace public local ou national en dépit des contraintes sociales?
- Dans quelle mesure l'organisation interne de ces organisations, entreprises, partis, etc., fondés et/ou dirigés par ces figures de la réussite issues des marges sociales, perpétue-t-elle les rapports hiérarchiques et inégaux (de genre, intergénérationnelle, de caste, ou autre)?
- Comment ces figures et leurs associations, entreprises, organisations, conduisent d'une part à des dynamiques de concurrence et des luttes de pouvoir et, d'autre part, à des logiques de coopération voire de coalition entre elles.
- Comment et pourquoi ces 'figures de la réussite' décident-elles ou non de participer au jeu électoral ? En investissant la sphère publique, ils forcent l'attention de l'État et développent des rapports souvent ambigus avec celui-ci, qui peut être tout à la fois un rival, un pourvoyeur incontournable (financements, permis de construire, autorisations en tout genre) et un arbitre (de leurs luttes intestines)?
Cet appel à communications est multidisciplinaire (science politique, sociologie, anthropologie, sciences économiques, histoire, étude des femmes).