Cette contribution souhaite réfléchir à la question des vestiges du passé et de la mémoire sous l'angle du cinéma. Alors que la circulation des images a explosé, que leur visionnement est passé du collectif à l'invidivuel, que reste-t-il des lieux, des atmosphères, des images... mais aussi des premiers acteurs, au sens large, de cette activité qui implique la mise en commun d'énergies et de ressources ? La participation de tous crée alors le cinéma, cette « école du soir » vantée par Sembene Ousmane, militant du 7ème art. Or, à en croire certains témoignages, la mémoire des premiers temps du cinéma africain s'estompe vite.
Le cinéma s'impose comme loisir dominant dans les villes au sortir de la 2ème guerre et chemine dans les campagnes grâce à des entrepreneurs ambulants. La chronologie et les modalités de son essor ont été étudiées tout comme l'impact des écrans sur les spectateurs. Dans les années 1950-1970, le cinéma s'étale, occupe les écrans et les esprits. Il a marqué la génération des indépendances. La recherche de traces, visuelles, orales ou matérielles, est le propre de la démarche de l'historien. Mais que reste-t-il de la période des années folles du cinéma ? Que reste-t-il des précurseurs qui voient dans le cinéma un instrument de conscientisation et d'éducation, sans négliger sa dimension distrayante (Paulin Vieyra, Sembene Ousmane...) ? Que reste-t-il des images dans les mémoires, voire dans les gestes ? Que reste-t-il enfin des bâtiments et des objets dans l'espace public, voire dans les espaces privés ?
Je souhaite explorer la façon dont les générations du présent s'inscrivent, ou non, dans une chaîne de mémoire, mais aussi de représentations, entre passé et contemporain. Quel héritage demeure des générations des pères (rarement des mères), adeptes ou ou créateurs d'images, de leur activité ou de leur pratique cinéphile, souvent euphorique, dans les années 1960-1970 ? Ceci revient à s'interroger aussi en creux sur les absences ou les vides qui nous informent sur le poids de ce passé.