La stratégie d'implantation de Radio Chine Internationale en Afrique sahélienne. Ancrage local a visée globale
Selma Mihoubi  1@  
1 : Centre de recherches et d'analyses géopolitiques (CRAG)
Université Paris VIII Vincennes-Saint Denis : EA353, Institut Français de Géopolitique 2, rue de la Liberté 93 526 Saint-Denis Cedex - France

Par-delà les préoccupations militaires et énergétiques dans les pays du Sahel, s'érige le souci de l'influence pour les puissances impliquées dans la zone. De Dakar à N'Djamena, la radio des anciennes puissances coloniales, Radio France Internationale (RFI) et British Broadcasting Corporation (BBC), ont le monopole sur l'information internationale depuis l'indépendance des États africains à la fin des années 1950. Une domination qui tend à s'amenuiser face au développement de nouvelles puissances médiatiques internationales, à l'image de la République populaire de Chine (RPC). 

Depuis le début des années 2010, Pékin a développé l'internationalisation de ses médias, à commencer par le continent africain. Largement investie économiquement dans les pays du Sahel, la Chine veut également contrôler son image par le biais de l'influence médiatique. Les radios publiques internationales deviennent alors des outils d'influence diplomatique et culturelle via la diffusion de valeurs, de représentations, et de la langue des pays représentés. La régionalisation des médias est alors utilisée par les États pour leur propre rayonnement au-delà des frontières politiques (Soft Power).

La marginalisation politique de Pékin et de ses médias d'État au caractère propagandiste, ajoutée à l'influence socio-culturelle et politique des pays occidentaux, ont entravé dans un premier temps le déploiement de la stratégie médiatique chinoise en Afrique francophone. Mais la Chine a su user d'une stratégie de coopération Sud-Sud, basée sur un socle de représentations tiers-mondistes pour ?. Ajouté à une supériorité économique incontestable, ce modèle a permis à Radio Chine Internationale (RCI) d'établir des relais FM dans une dizaine de localités du Sahel. L'implantation territoriale dans cette zone vise à améliorer l'image de la Chine auprès des opinions publiques internationales, mais aussi à rapporter un discours opposé à la vision occidentale de l'information et du monde. À travers leurs médias d'États respectifs, les grandes puissances se livrent ainsi à une bataille de représentations afin de favoriser leurs politiques au Sahel. En effet, la région connaît un climat semi-aride sur des territoires quasi-désertiques, mais abrite des ressources convoitées telles que le pétrole, l'or ou l'uranium. Elle connait dans le même temps une instabilité sécuritaire croissante. Le contrôle de la région, d'un point de vue économique, militaire, mais également médiatique, est ainsi crucial dans les stratégies d'influence et de défense de la France, du Royaume-Uni et désormais de la Chine.

Il s'agit d'étudier comment Pékin tente d'élargir son influence en Afrique sahélienne par la diffusion de son idéologie à travers la radio, média le plus utilisé par les populations dans la région. D'autre part, la Chine s'assure également de nouvelles routes d'approvisionnement pour garantir ses importations. Grâce à une diplomatie offensive et un ancrage territorial stratégique, RCI a réussi progressivement son implantation, pour participer aux ambitions globales du pouvoir communiste chinois : établir un nouvel ordre mondial des médias. L'objectif étant le contrôle des opinions publiques africaines, dans la guerre des représentations opposant les radios des États chinois, français ou britannique.


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