Il y a dans presque dans chaque société précoloniale du Gabon, des références faites au sacré. Cette identification est plus prégnante lorsqu'on aborde les questions relatives à la régulation de leurs modes de fonctionnement, d'appropriation et de gestion des ressources. Ce faisant, ces populations ont longtemps été attachées à la cosmologie tout autant qu'elles vécurent dans l'intimité des forces invisibles. Toute décision politique, sociale et économique, régissant leur vie communautaire trouve ostensiblement sa codification dans la religion. C'est pourquoi il existe, dans chaque société, des spécialistes des faits religieux regroupés en Association. Dans le sud-est du Gabon actuel comme ailleurs, ces associations fermées dont les plus importantes : Ndjobi, Ngo, Ongala, Onkani, Lesimbu, sont réparties en groupes d'hommes (confréries), de femmes (soreries) et mixtes. Elles ont chacune leur rite d'initiation et de socialisation dont l'accès et la connaissance restent interdits aux profanes. Ces sociétés cultuelles, souvent multifonctionnelles, ont pour rôle principal l'exercice des cultes des ancêtres. Elles cherchent, parallèlement, à maintenir l'équilibre et le respect des règles sociales. Outre l'organisation des rituels, certaines d'entre elles, à l'exemple de l'association Ongala, se constituent également en ligues de défense, forme de police secrète de protection des ressources naturelles. Elle a pour mission essentielle de veiller à l'application des prescriptions imposées dans les lieux interdits (forêts, rivières) afin de permettre la reproduction des espèces animales et végétales pendant une période bien définie. Elle sanctionne, par ailleurs, au travers de certains actes, toute personne qui venait à enfreindre les règles établies (pratiquer la chasse dans une forêt « fermée », abattage d'un arbre sacré, etc.).
Cette communication, s'appuyant à la fois sur les sources écrites et sur les récits oraux recueillis lors de nos enquêtes de terrain, entend saisir la « fonction écologique » assurée par la société cultuelle Ongala dans les problématiques de gestion des ressources naturelles du XVIIIe au XIXe siècles. En particulier, elle tentera de répondre à la question de savoir comment et dans quelle mesure cette association constitue-t-elle un outil puissant de régulation et de gestion des ressources naturelles ? Qui sont ces initiés ? Quel discours produisent-ils pour faire des arbitrages entre ce qui relève de la spiritualité et ce qui relève de l'économique ?