L'OMS recommande l'administration des vaccins contre la tuberculose, la poliomyélite et l'hépatite B à la naissance. À Madagascar, le BCG[1] et l'IPV1[2] sont prévus à la naissance par le calendrier vaccinal.
Dans le cadre d'un projet multidisciplinaire, NéoVac (Vaccination néonatale contre l'hépatite B en Afrique subsaharienne), en appui d'un volet épidémiologique, l'équipe Santé & Sciences Sociales de l'Institut Pasteur de Madagascar, en collaboration avec l'Institut de Recherche pour le Développement et l'Institut Pasteur Paris, s'est attachée à comprendre la faisabilité de la mise en place d'un vaccin contre l'Hépatite B à la naissance à Madagascar, dans l'objectif de proposer une intervention vaccinale. Une intégration de quatre mois dans une commune de Moramanga a permis le déploiement d'une étude qualitative et de reconstruire les itinéraires thérapeutiques de 16 femmes enceintes, de la grossesse à la naissance. Des entretiens auprès des femmes suivies (n=44) et des acteurs impliqués dans les soins (n=37), des focus group (n=5) ainsi que les observations directes (n=31) ont également été réalisés.
Les résultats ont montré qu'outre l'inaccessibilité des centres de santé, la fréquence des accouchements à domicile et le présupposé manque de connaissance des parents, des facteurs contextuels guident la planification, voire le rejet de la vaccination à la naissance. D'une part, les défaillances logistiques et structurelles du système de santé public malagasy induisent une première vaccination, si elle se fait, à partir du premier mois du nouveau-né. D'autre part, la priorisation par les parents des soins de protection traditionnels, comme les rituels liés à la naissance sociale du nouveau-né, accentue le décalage entre la planification pratique des soins et le calendrier vaccinal standardisé du nouveau-né. Enfin, la réappropriation des normes institutionnelles par le personnel de santé va dans le sens d'une vaccination plus tardive que dans les premières 24 heures. En effet, ces derniers tiennent compte des « contraintes » rencontrées par les parents et imposées par le système de santé. Ils administrent donc les premiers vaccins au premier mois de l'enfant.
Cette étude ethnographique a permis de conclure sur la non-adaptabilité de ce « modèle voyageur » qu'est la vaccination à la naissance, face aux contextes locaux, aux logiques mobilisées par le personnel de vaccination et par les parents, et à la norme pratique en vigueur[3] sur l'administration des premiers vaccins de l'enfance, dans le cas de Moramanga, Madagascar. Au travers de l'exemple de la vaccination à la naissance, cette communication soulèvera une réflexion méthodologique autour de la place des sciences sociales dans les recherches interventionnelles en santé : quel peut être leur apport pour orienter les interventions standardisées ? Une discussion autour des résultats de l'étude permettra de décrire « les contextes » dans lesquels cette intervention vaccinale devait se dérouler.
[1] Bilié de Calmette et Guérin
[2] Inactivated Poliovirus Vaccine
[3] O. DE SARDAN J.P., (2016, octobre). Pour une anthropologie des écarts, des discordances et des contradictions. Communication auprès de l'institut de hautes études internationales et du développement, Genève. Récupéré du site Graduate Institute Geneva : http://graduateinstitute.ch/home/study/academicdepartments/anso/events-1/past-events.html/_/events/anso/2016-2017/pour-une-anthropologie-des-ecart