Cette communication souhaite interroger et documenter l'idée de marge de manœuvre des Etats bénéficiaires face aux bailleurs à partir de l'étude des pratiques les agents de l'Etat qui négocient, définissent et mettent en œuvre les politiques publiques nationales financées sur les fonds extérieurs. En s'attachant au cas particulier du Sénégal et en se basant sur un travail de terrain conduit entre 2013 et 2016 auprès des cadres de la fonction publique qui travaillent en lien avec les bailleurs de fonds, elle s'attache à questionner cette marge de manœuvre et à voir dans quelles pratiques administratives elle peut s'incarner. Il s'agira également de se demander comment étudier l'Etat à partir des pratiques de ses agents.
Cette communication s'attarde sur quelques pratiques qui d'une part s'ancrent dans le double contexte de la diversification des bailleurs présents au Sénégal et du retour de l'Etat comme moteur du développement, et d'autre part qui touchent à la définition ou à la mise en œuvre des stratégies de développement nationales. Il s'agira plus précisément d'observer trois cas spécifiques : la négociation de financement d'un projet ; la mise en concurrence des bailleurs pour capter des ressources extérieures ; l'exécution très partielle, en raison du manque de moyens, d'une stratégie nationale sectorielle. Si les deux premiers cas laissent voir une certaine marge de manœuvre de l'Etat, la dernière relativise ce constat en montrant le peu de poids de ces stratégies face aux bailleurs qui décident, in fine, des financements accordés.
A partir de ces trois cas d'étude, il sera donc difficile de conclure en général sur la capacité du Sénégal à définir une stratégie de développement ou sur l'efficacité de cette dernière. Par contre, l'analyse fine de ces trois situations permet d'étudier les éléments qui expliquent ou empêchent, dans des contextes bien précis, la marge de manœuvre des agents de l'Etat face aux bailleurs. Ces cas montrent comment les agents de l'Etat s'approprient en pratique les transformations du paysage de l'aide au développement : on peut noter au Sénégal un investissement dans les pratiques de négociation des fonds, élevées au rang de véritable savoir de gouvernement.