Marseille et les inscrits maritimes de Djibouti : traces et éléments de réflexion pour une histoire sociale des gens de mer en situation coloniale (début XXe siècle- fin des années 50).
Laurent Jolly  1@  
1 : Les Afriques dans le monde- Université de Pau et des Pays de l'Adour
Sciences Po, Centre National de la Recherche Scientifique

Cette proposition de communication sera l'occasion de livrer aux collègues les premiers résultats d'une recherche en Histoire sociale portant sur les inscrits maritimes de Djibouti. Cette recherche se propose de contribuer à l'histoire sociale de la Corne de l'Afrique et des rivages yéménites, mais aussi à une histoire plus globale centrée sur les circulations de la main d'œuvre coloniale et la constitution en France métropolitaine, ou dans l'Empire, de diasporas.

 Un premier axe consistera à s'interroger sur les archives disponibles pour tenter de retrouver les inscrits maritimes de Djibouti à Marseille. Les archives des compagnies maritimes sont au cœur de cette quête de documents, elles permettent à la fois une approche « par le haut », c'est-à-dire à partir du regard de l'entreprise maritime, mais aussi « par le bas » en étant attentif aux informations personnelles qu'elles recèlent. Ici seront privilégiées les archives des Messageries Maritimes, principale compagnie maritime française à exploiter les lignes de l'océan Indien. Les archives coloniales et les archives départementales sont également d'un grand intérêt car elles permettent d'apprécier comment cette main d'œuvre fut surveillée, encadrée, au gré des conjonctures politiques et économiques. De même elles nous révèlent « en creux » les usages de Marseille par cette main d'œuvre précaire. Des pistes pourront être évoquées concernant les archives orales et témoignages capables de nous éclairer sur les trajectoires sociales des anciens marins installés en France et dans la région marseillaise en particulier.

Dans un deuxième temps nous nous interrogerons sur la place occupée par Marseille dans les trajectoires migratoires des inscrits maritimes. Le port de Marseille doit-il être considéré comme une destination ou une simple escale dans ces trajectoires ? Si ces marins coloniaux accostent en nombre sur les quais de Marseille compte tenu des besoins des Messageries en main d'œuvre bon marché, se fixent-ils pour autant dans la ville phocéenne ? Reconstituer des parcours professionnels permet de mettre à jour l'importance des migrations circulaires, Marseille fut souvent une étape vers d'autres cieux au gré des engagements sur des navires étrangers ou d'autres lignes maritimes. Beaucoup reste à découvrir concernant les motivations pour occuper des emplois éprouvants, mais constituant une opportunité pour des populations à la recherche de numéraire.

Enfin nous tenterons de déterminer si Marseille fut un espace d'hybridation ou de repli identitaire. Les archives permettent de retrouver les colonisés dans les quartiers de la ville portuaire en se focalisant sur les adresses indiquées, ou bien en consultant les différentes enquêtes menées par les services de la préfecture. Les usages de Marseille par ces marins coloniaux s'inscrivent dans des territoires urbains précis et participent à la création d'une identité urbaine spécifique sur le territoire métropolitain. Cependant le port colonial fut également un lieu où les clivages raciaux et professionnels prolongèrent la situation coloniale. Marseille fut tout à la fois un lieu d'échanges, de formation politique ou syndicale, mais aussi de mise en concurrence de cette main d'œuvre précaire avec leurs homologues métropolitains et autres sujets de l'Empire.


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