Festivalisation du soufisme au Maroc
Nadège Chabloz  1, 2@  
1 : Institut des mondes africains  (IMAF)  -  Site web
Institut de Recherche pour le Développement - IRD (FRANCE), Aix Marseille Université, École Pratique des Hautes Études [EPHE], Université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), CNRS : UMR8171
Institut des mondes africains - 9, rue Malher 75004 Paris -  France
2 : Institut des Mondes Africains
Université Panthéon-Sorbonne, Institut de Recherche pour le Développement : UMR8171, École des Hautes Études en Sciences Sociales, Ecole Pratique des Hautes Etudes, Aix Marseille Université : UMR8171, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR8171, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS)

Si le phénomène de « festivalisation de la culture » (Boum 2012, Dovey 2015, Murphy 2016) est déjà bien documenté et analysé, celui de « festivalisation de la religion » l'est beaucoup moins.

Dans un premier temps, cette communication propose de décrire la manière dont le mysticisme musulman, ou soufisme, fait l'objet de festivals au Maroc depuis une vingtaine d'années. Cette mise en festivals du soufisme ne peut se comprendre qu'en la pensant conjointement avec l'important essor, depuis les années 1990, des festivals dans ce pays, du développement des politiques publiques de patrimonialisation, notamment des différentes identités qui composent le Maroc, et de politique de valorisation du soufisme par le royaume chérifien, qui a pris une ampleur nouvelle depuis les attentats terroristes de Casablanca de 2003.

Dans un second temps, à partir de l'ethnographie de l'édition 2017 du Festival de la culture soufie et du Festival des musiques sacrées de Fès ainsi que des tables rondes qui y sont organisées, l'analyse portera sur les nouveaux espaces où se déroulent, au Maroc (mais aussi en Europe), les transactions contemporaines (religieuses, économiques, sémiotiques, symboliques, identitaires) qui se jouent autour de l'objet « soufisme ». Il s'agira notamment de montrer que les valeurs, normes et émotions développées dans ces nouveaux espaces référent majoritairement aux thématiques du dialogue interculturel et interreligieux, du mieux vivre ensemble, de la démocratie spirituelle, de l'égalité hommes/femmes, de l'agir positivement sur soi et sur la société contemporaine. L'objectif principal affiché par les producteurs de ce métadiscours sur le « soufisme universalisé » consiste à résister, en en prenant le contre-pied, au métadiscours dominant depuis le 11 septembre 2001 qui tend à identifier l'islam à une menace contre la culture occidentale. Il s'agit de réhabiliter l'islam en tant que « religion du cœur et de l'amour », en mettant en valeur le patrimoine soufi à travers son architecture, sa philosophie, sa littérature/poésie, ses musiques et danses. L'étude des mobilisations sociales et politiques liées à la fabrication et à la diffusion de ce soufisme universalisé permettra de mettre au jour les processus d'enchantement par lesquels le soufisme est désormais médiatisé dans la presse marocaine et internationale en tant que « bon islam », à la fois œcuménique, inclusif, artistique et pacifique. Le croisement de l'étude des formes de patrimonialisations aussi bien officielles qu'ordinaires du soufisme, permettra d'examiner à la fois la manière et les lieux dans lesquels est fabriqué ce discours enchanté et, à partir du cas marocain, de saisir les tensions entre l'universalisation et les instrumentalisations locales du soufisme.


Personnes connectées : 1