L'Etat développementaliste en Afrique du Sud : mettre du sel dans la plaie de l'histoire
Nancy Andrew  1@  
1 : Les Afriques dans le Monde - Sciences Po, Bordeau IV  (LAM - Sciences Po)
CNRS : UMR5115, UMR

Le gouvernement de l'ANC qui a remplacé le régime de l'apartheid en Afrique du Sud se considère comme un ‘Etat développementaliste' visant à tenir ses vastes promesses à la population noire depuis 1994 de mettre fin à la pauvreté, à l'injustice et aux inégalités sociales ainsi qu'à la discrimination raciale profondément ancrée dans toutes les sphères de la société. Un fil conducteur a toujours été le démantèlement du monopole des terres par la minorité blanche enraciné dans la conquête coloniale puis dans le développement d'un capitalisme robuste mais très inégal au sein de l'industrie et de l'agriculture, aboutissant à des secteurs relativement avancés par rapport à d'autres pays africains.

Cette communication propose d'analyser le dilemme de ce modèle d'État développementaliste que l'ANC a remanié et renouvelé à travers les 20 dernières années. En se tournant davantage vers la ‘néo'-libéralisation de l'économie, ainsi qu'en s'intégrant davantage aux marchés du continent et du monde, l'ANC a cherché à financer par l'investissement et la croissance le développement social annoncé, bien que ce soit le même système, hérité de l'apartheid, qui est à l'origine de ces disparités extrêmes et qui continue à les reproduire, voire les renforcer sous la direction de l'ANC après la transition à la démocratie libérale formelle. Le débat fait rage sur la dichotomie entre le besoin de ‘plus de « liberté » au marché' ou ‘plus de pouvoir à l'État' au sein de ce modèle de développement, sur la lenteur du transfert du grand capital (corporate capital) aux noirs, attendu par certains, sur les accusations de corruption gouvernementale et de captation de l'État par des intérêts privés, ainsi que sur les difficultés à faire basculer par la réforme l'un des piliers de la société de l'apartheid, à savoir la propriété foncière, le socle du système dans son ensemble. Pour la population noire rurale la réforme agro-foncière et la redistribution des terres représentait une des clés pour déverrouiller le passage aux changements sociaux espérés et si nécessaires, surtout dans les campagnes, or cette réforme s'est soldée par un échec.

Les corrections technocratiques sont incapables de corriger de manière profonde le développement social très inégal en Afrique. Démontrer les effets néfastes du néolibéralisme produit des témoignages riches et utiles, mais il ne suffit pas de nous en contenter. En soulevant les questions évidentes plus larges posées par ce dilemme structurel et incontournable, pertinentes pour l'ensemble de l'Afrique : quel type de développement et pour qui, et dirigé par quel type d'Etat ?, le papier souligne la nécessité de lancer de nouvelles études et débats susceptibles de contribuer au challenge de penser un système social complètement différent, voire émancipateur, impliquant aussi un changement politique radical nécessaire pour réaliser le développement et une transformation à tous les niveaux.


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