L'État en Afrique est aujourd'hui tiraillé entre la nécessité d'exploiter les ressources naturelles pour poser les jalons de son développement et le souci de protéger l'écosphère afin d'éviter une éventuelle crise écologique. Si la souveraineté politique donne le droit à certains États africains d'exploiter la nature dans le but de répondre aux besoins de ses populations, il faut pourtant relever que le droit international, à travers le gadget juridique nommé « ingérence écologique » (ecological interference), peut contraindre ces mêmes populations à se dessaisir de la propriété de certains éléments naturels (forêt, terre, fleuve, etc.) afin que cela devienne un patrimoine commun de l'humanité (Bidima, 2005).
Notre contribution à ces Rencontres des Études Africaines en France aborde la question de savoir comment surmonter la contradiction qui existe entre le droit d'exploiter la nature pour satisfaire les besoins vitaux des populations en quête de développement et le devoir de préserver cette même nature pour le bien de l'humanité, tel que l'exige le principe de patrimonialisation. Il s'agit précisément de montrer que le principe d'ingérence écologique supplante la souveraineté politique des États et impose aux populations des politiques de gestion durable des ressources le plus souvent contraires à leurs valeurs culturelles. Dès lors, ne faut-il pas considérer l'ingérence écologique comme une atteinte à la souveraineté des États ? Les principes de la préservation de la nature et d'ingérence écologique ne peuvent-ils pas être perçus comme des gadgets juridiques que les pays du Nord brandissent pour contrôler et limiter l'exploitation de la nature dans les pays du Sud ? Faut-il demander à l'Africain de céder son « patrimoine » (nature) aux générations futures alors qu'il y a investi une forme de sacralité qui le lie au passé, à la mémoire, à ses ancêtres ?
Au cours de cette réflexion, les notions de translocalité (le patrimoine privé appartient désormais à l'espace de pouvoir international), de transpropriété (Une propriété est confiée à plusieurs titulaires pour de multiples usages) et de transtemporalité (La terre appartient également aux générations futures) permettront de montrer que la préservation de la nature en Afrique pose aujourd'hui un véritable problème juridico-politique.