Les récentes successions constitutionnelles en Afrique permettent d'observer le retour protéiforme de la domination autoritaire par la parenté politique (Njoya, 2009). La proximité de ces tendances successorales avec celle des monarchies presque parfaites heurte le sens commun du modèle républicain et démocratique. Au Togo, au Gabon tout comme en RDC, l'arrivée au pouvoir des « fils des pères » illustrent la capacité des acteurs à ruser avec les règles juridiques et les institutions dans la perspective de la production d'un véritable travail de signification autour de la « mort du chef ». Le succès du travail d'imposition de sens (Lacroix, 1992 : 33) en vue de la continuité hégémonique par les héritiers tire son fondement d'un corpus de discours qui sert de support à la construction des légitimités des successeurs des pères. Complétant les nomenclatures proposées par les transitologues, cette forme de changement politique semble se greffer à un modèle de transition à alternance héréditaire qui n'apparaît pas moins comme la continuité raffinée de l'œuvre hégémonique. Dans une perspective néo-institutionnaliste et comparée, cette contribution interroge les modalités discursives et pratiques de l'enchantement autoritaire à travers les liturgies de la mort. Il s'agit d'analyser comment le décès des parents et prédécesseurs, justifiant l'ascension et la prospérité des fils, devient le lieu d'un renouvellement de la domination autoritaire. Si le pouvoir « ne tombe pas avec la mort », la succession héréditaire, qu'elle soit parfaite ou trouble, nourrit « la vie du pouvoir » après la mort notamment par sa continuité, son contrôle infaillible et hégémonique et constitue un facteur de disqualification et d'inhibition des codes de la concurrence. En somme, il est question de comprendre et d'expliquer comment, contrairement à l'occident qui a « laissé tomber la mort » (Foucault, 1976), l'Afrique s'accommode bienveillamment de celle-ci comme l'instant d'un vaste investissement symbolique au service de la domination politique. Le deuil du chef en tant que deuil national et lieu de commémoration d'une douleur partagée envers le leader historique disparu va au-delà des divisions politiques pour s'inscrire dans un véritable travail de légitimation raffinée des « républiques monarchiques ».