Faible peuplement rural, campagnes délaissées et agriculture paysanne déstructurée, freins de l'agrobusiness en République du Congo
Mélanie Favrot  1@  
1 : Laboratoire Population-Environnement-Développement  (LPED)  -  Site web
Institut de recherche pour le développement [IRD], Université de Provence - Aix-Marseille I
Université de Provence - case 10 - 3 place Victor Hugo - 13331 Marseille Cedex 3 -  France

L'augmentation de la population mondiale, la fluctuation des cours des denrées alimentaires et les systèmes d'accès à la terre sont autant de questions qui interrogent le rôle de l'agriculture et du foncier pour accéder à l'autosuffisance alimentaire. Les modèles économiques orthodoxes privilégient l'agro-industrie plutôt que l'agriculture familiale comme mode de production et la propriété privée titrée plutôt que la gestion coutumière comme mode de gestion du foncier. Pourtant aujourd'hui, au sein des organisations onusiennes, ces modèles s'entremêlent et des formes hybrides commencent à être privilégiées.

Dans ce contexte, cette communication questionne la stratégie des acquisitions massives de terres par l'agrobusiness comme moyen d'accéder à l'autosuffisance alimentaire en République du Congo. L'approvisionnement alimentaire du pays, caractérisé par un faible peuplement rural et une paysannerie « liquidée », dépend depuis les années 1970 des importations grâce aux revenus de la rente pétrolière. Conformément aux recommandations internationales, le gouvernement congolais a réformé sa législation foncière en introduisant la titrisation et fait appel aux investisseurs étrangers pour augmenter sa production agricole, sans résultats probants. Depuis 2013, j'ai suivi plusieurs projets agroindustriels sur l'ensemble du pays : de cacaoculture et de palmeraies dans le nord, et de céréaliculture et d'élevage dans le centre et le sud. Chaque territoire s'est vu attribuer des investisseurs prolongeant les trajectoires passées. Depuis la colonisation, les modèles agro-industriels qui ont été développés ont échoué. Des compagnies concessionnaires aux fermes d'Etat, les politiques successives ont progressivement détruit la paysannerie congolaise et instauré une dépendance aux importations alimentaires.

Deux entreprises privées, Atama Plantation et Eco Oil Energie, ont investi dans la relance des palmeraies, l'une dans une zone de savane et une partie de forêt tropicale, tandis que l'autre réhabilite les anciennes palmeraies abandonnées depuis soixante ans. La CIB-Olam, entreprise forestière dans le nord du pays, a été chargée de la mise en œuvre, avec le gouvernement, du programme national de développement de la cacaoculture. Une production villageoise de cacao avait été entamée pendant la colonisation puis la commercialisation et la logistique avaient été nationalisées à l'indépendance et étaient gérées par l'office national du café et du cacao. La production avait ensuite cessée lors de la libéralisation du pays en 1991. Ces parcours sensiblement identiques de la cacaoculture et du palmier à huile, conduisent aujourd'hui les entreprises à se tourner vers les bailleurs de fonds pour financer les investissements considérables que nécessitent ces cultures dans le nord forestier, très faiblement peuplé et peu doté en infrastructures. Ces bailleurs conditionnent aujourd'hui l'octroi de fonds, à condition d'intégrer des plantations villageoises, ce que les entreprises concèdent progressivement à faire.

Les faibles rendements obtenus par les diverses entreprises étrangères agricoles étudiées, malgré leurs faibles besoins en main d'œuvre, montrent qu'une faible population rurale et paysanne constitue un obstacle à l'intensification agricole. Induisant un faible investissement dans l'aménagement des territoires peu peuplés. Les projets agroindustriels, seuls, ne semblent pas contribuer à l'intensification agricole et au développement local.


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