A partir de l'étude de la rencontre entre les Portugais et les Swahilis au XVIe siècle, et de la Chronique de Kilwa qui en est le fruit, cet article interroge la notion de « contact textuel ». Retrouver les voies par lesquelles un texte présentant la généalogie des rois de Kilwa d'origine Perse sur plus de cinq siècles a pu être imprimé en portugais à Lisbonne en 1552 dans les Décades de Joao de Barros n'est pas simple. Si le pourquoi de la chronique, qui tient à des raisons politiques consécutives de l'occupation de Kilwa en 1502, est évident, le comment l'est beaucoup moins. En particulier, l'existence d'une Chronique de Kilwa originale, telle qu'on la suppose généralement, trouvée à l'arrivée des Portugais et qui aurait voyagé jusqu'à l'embouchure du Tage, pose des nombreuses questions auxquelles l'hypothèse alternative d'une « coécriture » de la chronique au XVIe siècle, comme résultat de la rencontre, semble apporter les réponses les plus convaincantes. Cela permet de réinterroger les évidences matérielles et textuelles de la culture écrite swahili dont nous disposons pour la période antérieure au XVIe siècle. Au-delà de l'étude des conditions de la circulation de la Chronique de Kilwa au XVIe siècle, cette communication voudrait également souligner l'impossibilité de se prononcer sur la circulation de genres – dans ce cas de genres historiographiques qui transitent entre le monde musulman et l'Europe à l'aube de son expansion impériale – indépendamment de la circulation des textes qui les portent.