État actuel de quelques scènes théâtrales en Afrique. Espaces et pratiques de création : de nouvelles esthétiques ?
Amélie Thérésine  1@  
1 : SeFeA-IRET - Institut de Recherches en Etudes Théâtrales - EA 3959
Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 : EA3959

 

« Jusqu'à Sony, les rendez-vous étaient déjà donnés dans des espaces du passé, chacun savait où retrouver l'autre, mais aujourd'hui, quand je parle avec Raharimanana, avec Kwahulé, avec Wabéri, avec Makhélé... l'impression que j'ai, c'est qu'on aura les rendez-vous qu'on voudra bien se donner. Ces espaces de rendez-vous, on va devoir les fabriquer[1] ».

Depuis le début de ce XXIème siècle et ce numéro de Théâtre/Public de 2001 qui fait date par le panorama qu'il propose des dramaturgies d'Afrique noire d'expression française, quelque chose s'est transformé en matière de théâtre de création. Une émulation caractérise l'activité théâtrale sur le continent qui tient précisément à la fabrique de « ces espaces de rendez-vous ». Les Récréâtrales au Burkina Faso, Mantsina sur Scène au Congo, Univers des mots en Guinée ou Les Praticables au Mali sont au nombre de ces scènes artistiques déployées localement. Respectivement fondés par Étienne Minoungou et Dieudonné Niangouna puis dirigés par Aristide Tarnagda, Sylvie Dyclo-Pomos, Hakim Bah et Lamine Diarra, qu'est-ce ces nouveaux lieux font aux théâtres d'Afrique ?

Si en raison de leur caractère ponctuel et éphémère, ces manifestations s'inscrivent dans la lignée d'une tradition d'aide aux porteurs de projets sur le continent inaugurée depuis 1990 en incitant à la création de festivals, ce sont surtout des dispositifs qui excèdent la temporalité événementielle : ils sont avant tout pensés comme des espaces de création et d'expérimentation incluant des résidences.

Par-delà leurs spécificités, ces manifestations sont représentatives d'un nouvel agir et misent sur des circulations intracontinentales. Si les trajectoires empruntent la vectorisation vers l'Europe qui s'est renforcée depuis trente ans pour engendrer une internationalisation de plus en plus marquée des carrières et des œuvres, elles intègrent un mouvement de va-et-vient et sont le fait d'une génération de créateurs qui en praticiens de la scène tentent d'établir des liens entre art et territoire dans une relation renouvelée au public.

 Étant entendu que l'esthétique théâtrale apparaît comme une pensée agissante et qu'elle ne saurait se limiter à une réflexion sur le seul texte dramatique (Naugrette, 2000), qu'en est-il alors des processus de création – des pratiques scéniques et textuelles – à partir du moment où le rapport à la scène des créateurs sur le territoire trouve d'autres voies que celles qui tiennent pour acquis que l'existence d'une marge de manœuvre est si limitée qu'elle est inexistante ? Il s'agira de sonder les lignes de force de ce présent en train de se réaliser (Sarr, 2016), de porter le regard sur les œuvres en création à partir de ces dispositifs qui déplacent les lignes de partage faites évidences en matière de “théâtre africain”.

- Théâtre/Public, « Afrique noire : écritures contemporaines », dossier coordonné par Sylvie Chalaye, n°158, mars-avril 2001.

- Catherine Naugrette, L'esthétique théâtrale, Paris, Nathan/HER, 2000.

- Felwine Sarr, Afrotopia, Paris, Philippe Rey, 2016.


[1] « Entretien avec Kossi Efoui réalisé par Sylvie Chalaye, Paris, juin 2000 », Théâtre/Public, p.82.

 


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