Face aux diverses difficultés d'accès au système de santé formel, de nombreux patients d'Afrique Sub-Saharienne se tournent aujourd'hui vers les pharmacies privées et les « vendeurs de médicaments ». Ces acteurs, longtemps délaissés dans les réflexions relatives au fonctionnement du système de santé, sont progressivement reconnus par les instances nationales et internationales.
Cette lente reconnaissance est facilitée par deux éléments distincts et complémentaires : d'une part, un certain essoufflement, voire une incapacité, du système de santé public à prendre en charge de façon efficace les maladies endémiques et, d'autre part, le constat de l'importance de l'automédication comme premier recours thérapeutique d'une large portion de la population, tant urbaine que rurale.
C'est dans ce cadre que plusieurs acteurs de la coopération au développement misent sur un rapprochement avec les vendeurs de médicaments pour améliorer la prise en charge de certaines pathologies endémiques, telles que le paludisme. C'est notamment le cas du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et même de l'OMS qui prône, depuis quelques années, un traitement du paludisme à domicile. Cette initiative reflète une conception plus large et plus inclusive du système de santé qui ose sortir de sa traditionnelle zone de confort.
L'objectif de cette communication consiste à questionner l'origine de cette récente initiative de santé et à identifier les principaux défis auxquels elle se trouve confrontée afin de mieux appréhender son potentiel.
Pour ce faire, nous nous baserons sur une revue ciblée de la littérature existante, complétée par la réalisation d'une vingtaine d'entretiens semi-directifs avec des personnes ressources issues de différents pays d'Afrique Sub-Saharienne et participant au certificat interuniversitaire en initiation à la Recherche pour le renforcement des Systèmes de Santé.
Une typologie des différentes catégories de pharmacies et de vendeurs de médicaments qui opèrent en Afrique Sub-Saharienne constituera le socle de la communication. Nous y articulerons des éléments de réflexion qui nous permettront à la fois d'appréhender la pertinence et les défis inhérents à ces initiatives et de réfléchir au métier même de vendeurs de médicaments.
Pour conclure, nous mènerons une réflexion sur la question suivante : si la « pharmacie » semble progressivement se substituer au centre de santé comme premier recours thérapeutique, le vendeur de médicaments peut-il remplacer le personnel de santé du premier échelon ? Certains ne voient pas leur empowerment d'un bon œil dans la mesure où ils sont perçus comme une menace par d'autres acteurs du système de santé. Une réticence silencieuse, voire une résistance plus farouche, n'est-elle pas à craindre de leur part au moment d'opérationnaliser ces projets ? La question qui se dégage en toile de fond concerne donc l'origine de cette nouvelle initiative et son degré d'appropriation par les autorités nationales, balancées entre le maintien de certains de leurs privilèges et l'amélioration de la santé de la population.