Les systèmes éducatifs africains, à l'image de plusieurs autres secteurs du continent, sont en mutation et font l'objet de multiples questionnements. Une majorité de gouvernements ont accordé une importance non-négligeable à l'éducation, conscients de son rôle majeur dans toute volonté de développement humain. En Afrique francophone, est apparu récemment la question des choix linguistiques des politiques éducatives. Quelques expérimentations d'intégration des langues premières ont eu lieu, notamment en Afrique de l'Ouest. La plupart ont été des succès à tous niveaux.
Aux Comores, au lendemain de l'indépendance (1975), la langue est promue et enseignée dans les écoles, sous le régime du révolutionnaire d'Ali Soilihi (1976-1978). Après le coup d'état qui met fin à cette période, le comorien n'est plus enseigné, il est même exclu de la sphère politique. En 1992, il redevient officiel dans la constitution aux côtés de l'arabe et du français et depuis, la question de son introduction dans le système éducatif fait l'objet de vives réflexions. En 2009, un projet intégrant pleinement le comorien dans le système éducatif est mis en place mais la suspension du financement et le manque de volonté politique pour poursuivre ont signifié la fin du projet. Depuis, les réflexions et décisions politiques sur le sujet se sont poursuivis mais sans résultats effectifs. Ce rejet de la langue est-il en lien avec le rejet de la période révolutionnaire, aujourd'hui encore controversée dans les esprits comoriens ? Ces conflits sur les choix linguistiques sont-ils l'héritage d'un conflit politique et identitaire plus large né au début de l'indépendance des Comores ? Comment expliquer l'inachèvement de la réflexion sur le choix d'enseigner en français ? Quels liens y'a-t-il entre la dimension culturelle et la dimension coloniale dans les approches présentes dans ce débat ?
Pour aborder ces questions, nous présenterons d'abord la période révolutionnaire comorienne, au sortir du colonialisme, en insistant sur la politique linguistique et éducative retenue et en évoquant la façon dont elle a marqué le peuple comorien. Nous aborderons ensuite la vision des politiques linguistiques et éducatives des années 90 jusqu'à nos jours, en y intégrant le rôle de la diaspora. Enfin, nous analyserons les soubassements idéologiques et identitaires des approches des opposants et défenseurs de l'introduction du comorien dans le système éducatif.
Houfrane AHAMED est doctorante à l'Université de Rouen en co-direction avec l'INALCO sur l'introduction du comorien dans le système éducatif. Elle a participé au colloque international « Patrimoine, Education et Développement » organisé les 27, 28 février et 1e mars par le CNDRS et le PREPEEC à Moroni (Comores) avec une communication sur « l'introduction du comorien dans le système éducatif comme source potentielle de développement du pays et vecteur de préservation du patrimoine immatériel ».