La riziculture du sud au nord du Sénégal : préoccupations paysannes face à l'enchantement autour d'un chantier national
Laurent Bruckmann  1, 2@  , Tidiane Sane  2, 3, 4@  
1 : Université de Liège, LAPLEC
2 : UMR8586 PRODIG
Centre National de la Recherche Scientifique, Université Panthéon-Sorbonne, AgroParisTech, Université Paris-Sorbonne, Institut de Recherche pour le Développement, Université Paris Diderot - Paris 7
3 : Université Assane Seck, Ziguinchor
4 : LMI PATEO

La production rizicole est un enjeu majeur des politiques publiques agricoles au Sénégal depuis les années 1960. Les principales zones de production rizicole sont la Vallée du fleuve Sénégal au nord du pays ainsi qu'en Basse-Casamance au sud. Ce sont des espaces clés pour l'atteinte de l'objectif national d'autosuffisance en riz voulu depuis de nombreuses années pour pallier la dépendance aux importations qui représentaient environ 80 % de l'offre en riz au début de la décennie 2010. Toutefois cet objectif n'a jamais été réellement atteint en dépit de nombreux programmes et projets de développement de la riziculture mis en place par les gouvernements successifs : Programme Agricole (1960-1980), Nouvelle Politique Agricole (1984-1994), GOANA en 2008 suite aux crises de la faim, PRACAS en 2013, etc. Tous ces programmes et projets visent la création d'aménagements hydro-agricoles, la réhabilitation des périmètres dégradés, la création de route pour l'écoulement des productions et l'amélioration des itinéraires techniques. D'ailleurs la majorité des travaux scientifiques traitent essentiellement de l'efficacité technique prenant peu en considération les spécificités socio-culturelles. En effet, si la riziculture est héritée en Casamance, elle a été importée dans la vallée du Sénégal. De même peu de travaux traitent de l'acceptation sociale de la riziculture au sein de systèmes ruraux diversifiés et en profonde mutation socio-environnementale, à l'instar de ce qui est observé dans toute l'Afrique de l'Ouest (accroissement démographique, émigration, variabilité climatique, salinisation des sols rizicoles). Cette contradiction entre l'enchantement publique d'un chantier agricole et l'apparent désenchantement dans sa réalisation à l'échelle locale questionne les perceptions des principaux concernés que sont les agriculteurs de Basse-Casamance et de la Vallée du fleuve Sénégal. Comment est perçue la riziculture dans ces deux zones ? Qui s'y intéresse ? Comment s'insère-t-elle dans les systèmes d'activités ? Quels sont les problèmes rencontrés au niveau socio-culturel ?

Autant de questions auxquelles la communication veut répondre à partir d'une analyse des discours. Nous proposons une (re)contextualisation de la riziculture à travers une approche comparative, qui considère la complexité des mondes ruraux sénégalais et déconstruit une image uniformisée des conditions de la riziculture en Afrique de l'Ouest. Ce travail se base sur des enquêtes réalisées auprès d'agriculteurs et de ménages de la Basse-Casamance et de la Moyenne Vallée du Sénégal. La communication présente ainsi les trajectoires de la riziculture dans ces deux systèmes ruraux, son insertion dans des systèmes d'activités en transformation et enfin, les préoccupations des paysans sur la riziculture. Une place importante est accordée aux éléments culturels, peu considérés, pour les mettre en liens avec la matérialité des politiques publiques rizicoles au Sénégal. 


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