Depuis le milieu des années 1980, les Hautes Terres de l'Ouest-Cameroun sont soumises à de fortes mutations dans les pratiques agricoles, ces mutations résultent principalement de la chute des prix du café, alors principal produit de rente imposé da la région depuis la période coloniale. L'effacement progressif du caféier s'est accompagné à la fois d'une recrudescence spectaculaire des cultures vivrières et de la mise en place des plantations d'eucalyptus, générant ainsi une nouvelle dynamique socio-spatiale.
Soutenue par une demande urbaine et sous-régionale de plus en plus croissante, l'émergence du vivrier marchand en général et plus particulièrement du maraichage, a profondément bouleversé l'organisation de l'espace par intrusion dans des milieux jadis protégés à l'instar des bas-fonds et des zones d'altitude. Par ailleurs, les parcelles des versants autrefois réservées au caféier ont progressivement été converties en plantations d'eucalyptus vecteur à la fois d'une nouvelle forme d'économie locale et de l'assèchement des bas-fonds et des cours d'eau. Ce modèle qui perdure ainsi depuis plus d'une vingtaine d'années déjà, s'est développé au détriment du raphia qui occupait jadis les bas-fonds tout en contribuait à l'entretien et la protection des eaux de surfaces. Une insouciance écologique fortement entretenue par une absence de cadre de concertation pour la gestion de l'eau agricole, un faible encadrement des structures de l'Etat pendant la période de référence 1990-2010 pour cause d'ajustement structurel, une forte pénétration nuisible d'engrais et pesticides divers ainsi que l'expérimentation par des ONG de nombreux programmes disparates de développement, sont autant de facteurs d'atteinte forte à l'équilibre environnemental tout entier de la zone.
Cette communication rend compte des résultats d'une recherche-action menée suivant la Méthode Accélérée de Recherche Participative (MARP) dans le territoire d'un village du groupement Bayangam dans l'Ouest du Cameroun. L'objectif principalement visé est l'analyse de l'évolution des pratiques et stratégies déployées par les populations pour mener leurs activités agro-sylvo-pastorales dans un contexte marqué par l'amenuisement des ressources en eau, la saturation foncière et les conflits de limites de terroir. Notre réflexion s'inscrit dans une approche globale des rapports Homme-milieu naturel, à travers l'analyse des paysages, l'histoire des pratiques et de la mise en valeur de l'espace. Le développement des activités agricoles et sylvo-pastorales dans le terroir étudié se traduit par l'accroissement des superficies cultivées et par l'augmentation des effectifs de bétail qui occasionnent parfois de fortes pressions sur les ressources naturelles, avec pour risque un désenchantement programmé. Cette nouvelle situation induit de nouvelles dynamiques d'occupation de l'espace et impose aux communautés villageoises de relever le défi d'une gestion rationnelle de l'espace et des ressources naturelles. Au final, quelques recommandations s'avèrent indispensable afin d'éviter une catastrophe environnementale susceptible d'accélérer les crises multiformes auxquelles est déjà soumis depuis quelques temps, ce milieu de montagne extrêmement sensible et chargé de précieuses ressources patrimoniales.