L'indocilité des jeunes burundais. Ethnographie d'une contestation inédite
Mosca Marta  1@  
1 : Université de Turin

Cette proposition est basée sur la recherche conduite à Bujumbura de mars à novembre 2015, lorsque le mouvement Tournons la page prend forme en faisant de la capital le noyau d'une forte contestation caractérisée par une participation de la jeunesse considérable.

La candidature de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, anticonstitutionnel et contre les Accords de Paix d'Arusha, a déclenché une mobilisation inédite à plusieurs égards. L'autoritarisme du parti su pouvoir, en exercice depuis 2005, contraste fortement avec la conscientisation politique et démocratique des jeunes générations. Les printemps arabes et les mouvements de résistance nés en Afrique subsaharienne comme réaction à la violence d'état – qui est très souvent condition structurel dans plusieurs contextes africains – imposent une analyse attentive sur les modes populaires d'action politique, considérés soit comme instrument du changement social soit comme moyen par lequel manifester son propre présence et donc obtenir une forme de reconnaissance. Les jeunes, exclus de l'espace politique, s'imposent ainsi dans la rue, c'est-a-dire dans l'espace publique, à travers leur corps, leur idéaux et leur revendications.

Les yeux rivés sur d'autres mouvements africains (comme le Y'en a marre sénégalais, le Balai citoyen burkinabé, le Filimbi congolais) la jeunesse burundaise, engagée dans les organisations de la société civile, est entrée dans le débat citoyen à travers une protestation politique qui malgré ses limites est à considérer très mature à plus d'un titre. L'hétérogénéité de la contestation au niveau ethnique dans un contexte où la question Hutu-Tutsi a engendré des profondes fractures sociales, voire des massacres de type génocidaire, la forte participation des femmes et la résistance des manifestants aux nombreux tentatives d'ethnicisation de la crise burundaise par le parti au pouvoir, s'affirment comme les éléments les plus significatifs qui indiquent un certain niveau de maturité. Contester le pouvoir de Nkurunziza et le système totalitaire de son parti, le Cndd-Fdd (Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie), fondé sur la culture de la terreur et la violence politique comme outil de control de la population, c'était un devoir, notamment pour les nouvelles générations. Toutefois le mouvement d'opposition s'est révélé peu structuré et lacunaire.

Cette contribution vise à analyser la contestation burundaise de 2015, ses points forts, ses limites, ses discordances, en essayant d'inscrire cette analyse dans un plus vaste cadre de réflexion qui prend également en considération les autres mobilisations africaines et leur trajectoires.


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