Le nord du Bénin a connu d'importants changements socio-environnementaux lors des dernières décennies qui se traduisent par une forte dynamique de l'occupation du sol caractérisée entre autres par un recul du couvert ligneux mis en évidence par l'analyse des images de télédétection. Les activités des habitants de cette région étant essentiellement liées à l'agriculture et à l'élevage nous avons cherché à comprendre, à travers des enquêtes de terrain quelles étaient leurs perceptions et leur mode d'adaptation à cette déforestation. Nous avons ainsi réalisé des entretiens semi-directifs en 2017 dans les villages et campements des communes de Natitingou (à l'ouest) et de Malanville à l'est de la zone d'étude auprès des villageois et des autorités locales. Les entretiens ont été faits en langues ditamari, waama, dendi et peulh puis traduits et transcrits en français.
Les enquêtes révèlent une diversité des pratiques agricoles ainsi que des perceptions et préoccupations qui diffèrent d'une commune à l'autre. Les personnes enquêtées dans les villages de Natitingou évoquent le plus souvent la pauvreté des sols, et les mauvaises conditions pluviométriques. Dans les villages de Malanville malgré la proximité avec la zone sahélienne c'est plutôt l'insuffisance des terres qui pose problème. En effet, l'intensification agricole et la récente reprise de la culture du coton dans le nord-est du Bénin sont favorisées par le recours à la traction animale et la disponibilité des engrais chimiques. De ce fait, on assiste à une accélération des défrichements dans les aires protégées et des conflits d'usage des ressources naturelles entre agriculteurs dendi et éleveurs peulh dans les villages de Malanville où les incursions dans les aires protégées sont de plus en plus souvent réprimées par les agents forestiers. A Natitingou, en revanche, les villageois s'inquiètent du devenir des activités agricoles qui selon eux n'attireraient plus les jeunes gens, qui préfèrent rejoindre les villes. Dans ce contexte, on observe une tendance à la poursuite de la pratique de la jachère voire une mise en place d'une sylviculture de rente dominée par les anacardiers.
Cette étude montre que les pratiques des populations et leurs perceptions diffèrent et déterminent diverses trajectoires au nord du Bénin. Les pratiques agricoles à Malanville, soutenues par sa croissance démographique laissent entrevoir la fin de la jachère et la remise en cause de la protection des forêts. En revanche, l'abandon des terres à Natitingou semble y expliquer la relative stabilité voire la progression du couvert ligneux. Ces transformations observées dans le nord du Bénin s'inscrivent également dans un contexte de mise en œuvre de la décentralisation des politiques qui a débuté dans les années 2000. Ce désengagement de l'Etat dans le secteur de l'eau a laissé place à l'émergence des modes de gestion des ouvrages hydrauliques qui n'aboutissent pas à une amélioration de l'accès à l'eau en milieu rural ni à celle des mesures sanitaires indispensables au bien-être des populations rurales. L'enclavement de certaines populations aggrave le problème de l'accessibilité à l'eau potable en les rendant plus vulnérables.