Les projets de développement agricoles prônent tous une approche participative et cherchent à impliquer activement « les paysans » à travers des ateliers et instances de concertation, etc. De nombreux évaluations, recherches et rapports (FAO 2016) montrent que les femmes sont absentes ou peu impliquées dans cette participation. Les travaux d'A.K Sen sur les inégalités, notamment celles entre femmes et hommes qui ont nourri le développement de l'approche des capabilités peuvent aider à comprendre pourquoi les femmes ne peuvent pas saisir facilement les opportunités de participation que les projets leur offrent. Cette approche s'intéresse aux processus permettant aux personnes de « faire et être » pour mener une vie qu'ils ont des raisons de valoriser. On voit tout de suite l'élargissement des dimensions du bien-être, qui n'est pas réductible aux seuls aspects matériels et monétaires, mais qui comporte des dimensions immatérielles plus complexes, qui peuvent être liées à la dignité ou au respect (Sen, 1993). Apparaît aussi la notion de liberté de choix et la capacité d'acteur. En s'intéressant aux inégalités réelles de genre, au détriment des femmes, dans les droits d'accès (comme les droits fonciers, le crédit, les formations) ou aux processus de prises de décisions, que ce soient à l'intérieur de la famille ou dans la communauté, on met en lumière les points de blocage qui se traduisent ensuite par des situations de bien-être dégradée pour les femmes et leurs difficultés à mener la vie ou les projets qu'elles souhaiteraient.
Or, les approches participatives sont peu sensibles aux questions d'inégalités de genre et en définitive « la voix des femmes » reste largement inaudible et ne se traduit pas par des actions permettant d'élargir leur espace de capabilités, sans doute parce que la remise en cause des relations de pouvoir que cela implique serait trop importante. Ce constat soulève le risque d'un renforcement des inégalités dans des sociétés patriarcales où, d'une part, l'expression des femmes dans l'espace public est contrainte et limitée et d'autre part, les femmes ne sont pas une catégorie homogène, avec parfois des intérêts divergents voire opposés. Ainsi, malgré une volonté souvent réaffirmée dans les projets et programmes de développement, les difficultés sont liées à une certaine rigidité des méthodes et des cadres de pensées, peu compatibles à saisir la complexité locale des rapports sociaux, où les différences de prise de parole selon le genre se conjuguent avec d'autres inégalités (Akerkar, 2001 ; Cornwall, 2003).