Après un long terrain au Kenya, j'ai développé la notion de schème migratoire que je voyais se transformer d'une migration géographique en une migration dans l'imaginaire religieux, en passant par une mobilité économique. Ce schème migratoire déterminait des pratiques de mobilité que l'on pouvait concevoir tant dans la perspective de l'histoire personnelle que dans celle, plus sociologique, d'une circulation familiale qui considérait la famille comme unité stratégique se déployant, par ses membres, dans différentes niches socioéconomiques ou écologiques. Ainsi, la famille assurait la sécurité de subsistance de ses membres en les envoyant dans les différentes îles (Nairobi, ville de province, parcelles dans les terres riches ou semi-arides, etc.) d'un archipel métaphorique s'inspirant des travaux de Bronislaw Malinowski et de John Murra. À partir de ce constat, nous nous interrogerons sur ce que le religieux peut apporter en tant que « stratégie migratoire » dans l'imaginaire et proposerons de considérer les itinéraires de conversion, le butinage religieux et les nombreuses familles aux affiliations religieuses multiples comme une expression métaphorique du schème migratoire des Kikuyus.