À partir de la deuxième moitié du XXe siècle, la Libye devient Eldorado sud-saharien pour des milliers d'hommes jeunes et célibataires attirés par des opportunités de travail et une rhétorique panafricaine du Guide libyen. Il s'agit de mobilités intraafricaines venues de plusieurs pays de l'Afrique noire, aussi du Niger, résumées avec l'expression haoussa « Libya Kaman Turaï », « La Libye comme l'Europe », c'est-àdire, la possibilité de satisfaire des besoins économiques, sociaux et familiaux en Libye comme ils pourraient le matérialiser sur le vieux continent. Le conflit civil de 2011 et la chute de Kadhafi supposent un point d'inflexion de ces mouvements transsahariens historiques et circulaires et ils entraînent le retour forcé d'environ 300 000 nigériens, accusés comme complices et « mercenaires » du colonel. Notre ethnographie à Niamey, capitale du Niger, analyse les conditions de vie de ce collectif retourné qui tente d'assumer l'échec de son projet migratoire et reformule son rôle social et familial, en passant d'une condition privilégié, à cause de la séduction positive du voyage et des transferts économiques, à une situation de vulnérabilité. « On était les garants de la famille, on la portait sur notre dos et maintenant on n'a rien, on a échoué », estiment plusieurs informateurs. Avec une reconnaissance de la subjectivité du migrant -aspirations individuelles, d'émancipation ou d'aventure- et aussi une attention à des facteurs structuraux, on approfondit sur les connexions et/ou tensions toujours présents entre individu et famille/communauté, liées à la « dette communautaire », dont parle Marie dans son ouvrage L'Afrique des individus (1997). Depuis cette perspective, on essaie de discerner la importance de la famille –nucléaire et élargie- et la communauté dans la configuration de réseaux transnationaux -ou plutôt translocaux-, qui facilitent, promeuvent et accueillent les migrants dans toutes les étapes du projet migratoire vers le nord -le trajet du désert, le séjour en Libye et le retour forcé-. En ce sens, en utilisant des méthodes qualitatives comme l'observation participante et les conversations informelles dans la fada, principale institution de sociabilité masculine du pays, on relève des mobilités distinctes sur l'axe urbain/rural concernant les projets migratoires, types de travail ou sociabilité en Libye et au Niger, dans tous le cas déterminées par l'implication de la famille et la communauté. C'est pour cela qu'on trouve les déplacements ruraux plus saisonniers, conditionnés par la climatologie et encadrées dans une stratégie familiale et communautaire plus restrictive, tandis qu'au milieu urbain les mobilités se contemplent à plus long terme et avec une conception plus productiviste, individualiste et entreprenante. La communication veut approfondir, donc, sur le rôle des institutions sociales dans la mobilité et contribuer à disséquer la nouvelle responsabilité du collectif retourné, après leur reconfiguration dans un milieu communautaire urbain. Dans ce contexte, on prétend dévoiler les stratégies de résilience du group après leur retour et remarquer aussi l'importance de la fada, comme espace sociale et mécanisme entre socialisation de l'individualité et individualisation du collectif.