L'envers de l'agriculture contractuelle. Le cas du complexe sucrier de Zuénoula (Côte d'Ivoire) et sa périphérie villageoise.
Constantin Girard  1@  , Samir El Ouaamari  2@  , Pascal TilliÉ  3@  , Hubert Cochet  4@  
1 : AgroParistech
AgroParisTech, agroparis tech
2 : AGTER
AGTER
3 : JRC
European Commission - Joint Research Centre [Seville]
4 : UMR Prodig
AgroParisTech, AgroParisTech

A partir des années 1970, dans le cadre d'une politique de substitution des importations et de diversification des recettes d'exportation, l'Etat ivoirien s'est donné pour objectif le développement de la production de sucre dans le nord du pays. Comme dans le cas de l'huile de palme ou de l'hévéa, le modèle adopté consiste à établir un nombre limité d'immenses complexes agro-industriels constitués de vastes domaines agricoles (plusieurs milliers d'hectares) destinés à pourvoir en canne à sucre une grande unité de transformation. Six complexes de cette nature vont être construits dans les années 1970. Placés initialement sous le contrôle d'une société publique, la Sodesucre, ils ont ensuite été privatisées à la fin des années 1990. Leurs nouveaux propriétaires ont alors cherché à accroître la capacité des unités de transformation tout en garantissant leur approvisionnement par une augmentation du volume de canne à sucre produit. Cette augmentation de la production s'est fondée sur l'intensification en capital des itinéraires techniques pratiqués dans les domaines sucriers, souvent limités par la force de travail disponible, mais également par la mise en place de schémas de contractualisation aux modalités variées.

 

Cette communication porte sur le complexe sucrier de Zuénoula. Son objectif est d'analyser les formes de contractualisation et leurs implications pour le développement agricole local. Elle repose sur une étude qui est le résultat d'enquêtes réalisées au cours de plusieurs mois de terrain et empruntant aux outils méthodologiques d'analyse-diagnostic des systèmes agraires.

 

Depuis les années 1990, la société propriétaire du complexe de Zuénoula a développé des contrats de production, fortement encadrés, aussi bien avec des employés ou d'anciens employés de l'unité agro-industrielle qu'avec les habitants des villages situés en périphérie du domaine sucrier, et parfois combinés à la location de terres dans les finages villageois voisins pour une exploitation en régie par l'entreprise elle-même. Potentiellement très rémunérateurs, y compris pour les classes sociales défavorisées, les schémas proposés sont censés profiter aux habitants du complexe sucrier ainsi qu'à l'ensemble des habitants des villages concernés en générant des emplois et en répartissant des parts de façon égalitaire selon une logique de fonctionnement en coopératives. Néanmoins ils évoluent vers la création de rentes foncières, qui sont parfois concentrées dans les mains de certains groupes sociaux dont ceux détenant la maîtrise de la gestion foncière à l'échelle des villages ; et, dans certains cas, vers la fuite de ces rentes hors de la région suite au départ d'une partie de ceux qui en bénéficient. Ceci est d'autant plus problématique que le développement sucrier à Zuénoula coexiste par ailleurs avec d'autres modes de mise en valeur agricole symptomatiques d'un stress foncier croissant dans les finages villageois avoisinant le complexe. Cette communication présentera la diversité des modalités de contractualisation autour du complexe de Zuénoula, les conditions et les limites de leur émergence, les rapports sociaux et fonciers qui les sous-tendent, leurs effets du point de vue des différentes parties prenantes qui les mettent en œuvre, ainsi que leur rôle dans les processus locaux de différenciation socioéconomique et dans le développement d'inégalités.


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