L'agriculture et la transformation des rapports de genre dans la société sénégalaise
Saliou Ngom  1@  
1 : laboratoire de recherche sur les transformations économiques et sociales (IFAN)  (LARTES)

Il est de plus en plus reconnu que le développement durable et la réduction de la pauvreté, ne pourront se réaliser sans l'élimination des inégalités entre les femmes et les hommes. Ce dessein de lier la question des rapports de genre, la croissance économique et le développement est devenu incontournable dans l'approche des agences internationales de développement et les politiques publiques.

La question du genre et des rapports sociaux de sexes sont ainsi devenus une priorité pour les agences de développement. Les objectifs du millénaire pour le développement (ODD) insistent particulièrement sur la réduction des inégalités de genre[1] pour lutter non seulement contre la pauvreté et les inégalités sociales mais aussi contre la malnutrition et la fin dans le monde.

Face à ce nouveau contexte international, la société sénégalaise est marquée par des transformations politiques et sociales majeures dans les rapports sociaux de sexe. De la loi sur la parité, votée par l'Assemblée Nationale en 2010, aux différentes évolutions du code de la famille, en passant par l'élaboration de la stratégie nationale d'égalité et d'équité de genre (SNEEG), la mise en place de l'observatoire de l'égalité de genre, ces différentes transformations bouleversent la société sénégalaise aussi bien dans l'espace privé que dans l'espace public.

Face à la crise et à ce contexte international et national favorable, les femmes adoptent des logiques de participation solidaires (coopératives) à travers l'entreprenariat agricole pour (se) sortir de la vulnérabilité. Mais le poids culturel et religieux, ainsi que la disposition des rapports de pouvoir, notamment dans l'accès à la terre, constituent encore des facteurs d'exclusion (obstacles) dans ce secteur. Ainsi, globalement, 16,4% des exploitations agricoles seulement sont dirigées par des femmes contre 83,6% pour les hommes. Les hommes, qui contrôlent 93,6% des superficies cultivées contre 6,4% pour les femmes, exploitent en moyenne de 1,3 ha (en 2014) là où les femmes n'exploitent, en moyenne, que des superficies dépassant rarement 0,4 ha.Mais ces chiffres cachent des évolutions considérables dans l'inclusion agricole des femmes depuis le début des années 1990.

En s'intéressant aux activités de deux GPF (groupement de promotion féminine) dans le domaine agricole, cette communication a pour objectif de montrer que ces politiques agricoles ont permis une meilleures représentation des femmes dans les différentes filières. Elles ont aussi permis une autonomisation financière et économiques des femmes mais montrent leurs limitent quant à leur possibilité de bousculer les rapports de genre.

Appuyée par des dizaines d'entretiens avec des acteurs du développement au Sénégal, elle montre les limites d'une approche « économiciste » de l'empowerment des femmes dans le domaine agricole au Sénégal. Les rapports entre ces GPF et les organisations politiques renforcent cette instrumentalisation du genre. Ces processus constituent ainsi des « dynamiques imbriquées d'inclusion-exclusion » en ce sens qu'ils permettent une autonomisation économique et financière sans pour autant remettre en cause les rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes.


[1]Parvenir à l'égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles (objectif 5)

 


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