La reconfiguration de la communauté haïtienne de France par la production d'une nouvelle figure migratoire en termes de profil dans les années 1970 engendre une recomposition du paysage religieux au sein de cette communauté. En moins d'un demi-siècle, plus d'une soixantaine d'églises haïtiennes ont vu le jour en France métropolitaine pour seulement une communauté de 50 000 migrants environ (Toussaint et Artus, 2008 : 58-59). Ce paysage religieux qui était composé jusqu'au début des années 1970, selon une étude coordonnée par Roger Bastide en 1974, de 91% de catholiques et 2% de protestants a complètement changé (Bastide, 1974 :167). On assiste donc à l'émergence d'un protestantisme lié aux pratiques translocales des Haïtiens. Toutefois, ce protestantisme est dominé par les églises de types évangéliques et pentecôtistes. Mais Qu'est-ce qui justifie ce besoin croissant de ressources religieuses des migrants haïtiens et leurs descendants, orienté vers le protestantisme évangélique et pentecôtiste, dans le contexte français ?
L'une des approches pouvant aider à comprendre le rôle des ressources religieuses dans la structuration des migrations consiste à examiner les avantages que les migrants peuvent tirer de ces organisations religieuses. Au-delà des soutiens matériels et financiers (Thomson, 2006), des chercheurs soulignent que l'intégration dans des associations religieuses crée un ensemble varié de ressources allant de l'autonomisation et du bien-être individuels (Maselko et al., 2011 ; Peach, 2000) au développement des réseaux de connaissance et de reconnaissanc (Candland, 2000) et à la mobilisation sociale et des engagements collectifs (Smidt, 1999). Partant de cette approche, on évoque donc deux logiques qui guideraient la présentation. La première évoque l'idée selon laquelle la rencontre entre les religions et la possibilité de mettre à la disposition des migrants haïtiens des accompagnements leur permettant une insertion dans la société française peuvent aboutir autant à des conversions individuelles qu'à une appartenance multisituée, de manière parallèle et simultanée avec des religions différentes et parfois même qui peuvent être s'opposées (Droogers 2001; Kirsch 2004). La seconde logique évoque l'idée que « si l'expérience religieuse de l'« au-delà », de l'appel ou d'une « vision » confère des rôles et statuts dans les espaces religieux, particulièrement dans les églises issues de l'immigration haïtienne en France et parfois justifient la naissance de nouvelles églises et légitime ainsi leur position idéologique, on constatera aussi que ces visions soient souvent mises en avant pour justifier toute réorientations ou tout choix d'appartenance.
Pour questionner la dynamique de réorientation qui alimente la recomposition du paysage religieux au sein de la communauté haïtienne de France, je vous propose de discuter des données ethnographiques découlant de mon terrain de recherche dans des églises haïtiennes en région Parisienne. Je vous propose également d'aborder le rôle des rapports intergénérationnels dans la construction de cette dynamique religieuse.