De la ziyâra des ancêtres à la fabrication des zâwiya dans l'Ouest saharien
Rahal Boubrik  1@  
1 : Universite Mohammed V - Rabat

La Saguia al-Hamra fut un haut lieu de la sainteté à l'échelle du Maghreb. Les récits et les légendes, qui constituent la mémoire de la sainteté dans cet espace attestent de ce renommé de la Saguia al-Hamra terre des saints par excellence. Or cette sainteté n'a pas laissé des traces des cultes des saints comme dans le reste du Maghreb. Ce phonème ne trouva sa propagation à la Saguia al-Hamra que très tardivement, avec la sédentarisation de la société qui s'est accentuée ces dernières décennies. Un phénomène de la ziyâra (visites pieuse) où se mêle le religieux, le tribal et le politique voit le jour dans la région. Il renouvelle ainsi la légende des anciens lieux saints et fabriques d'autres. Nous avons eu l'occasion d'observer ce phénomène lors d'une enquête de terrain en remontant le lit de la vallée de a Saguia al-Hamra en amont.

La sainteté comme processeur d'une longue carrière marquée par les miracles, les mérites personnels et le savoir commence à reculer en faveur des « saints » récents. Nous sommes loin des figures de la sainteté appartenant à un courant confrérique. Les hommes de grand chrisme qui ont marqué leur temps ont cédé la place à des personnages peu connus, ce qui nous autorise à conclure que nous sommes en face d'une fabrication des zawiyas par des tribus et des fractions tribales soutenues d'une façon implicite ou déclarée par les autorités étatiques.

Les patrons de ces nouvelles zâwiya ne sont pas des hommes religieux, mais des « ancêtres » qui étaient durant leur vie des hommes ordinaires sans baraka ni vertu ni grâce exceptionnelle, mais maintenant ils se voient vénérés des hommes pieux. La naissance de la ziyara s'insèrent, parfois, dans des luttes et des clivages et des concurrences tribaux plus que dans le registre du sacré et de religieux. Chaque tribu (ou fraction de tribu) a ravivé la ziyâra de son ancêtre et amplifié son caractère et le rendre un rendez-vous annuel incontournable pour maintenir le lien social et se positionner sur l'échiquier tribal locale. Des groupes tribaux ont franchi le pas pour déclarer leur ancêtre un waliyu allâh, un saint ; d'autres se sont contentés de bâtir une maison de réception (pour les visiteurs lors de la ziyâra) près de son tombeau en la nommant « zâwiya, » laissant peut être à la génération futur l'éventualité de fabriquer le saint


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