Cette communication porte sur l'autre puissance réémergente qu'est la République de l'Inde et
sa relation au continent africain. Depuis la Conférence de Bandung en 1955, une constante caractérise les
gouvernements indiens : ils ont tous eu l'ambition de faire de New Delhi un acteur important des relations
internationales. Perpétuellement comparée au voisin chinois, à ses moyens et politiques extérieures, l'Inde,
accaparée par des priorités endogènes, a laissé s'échapper Pékin dans cette « course à l'Afrique », continent
faiseur de puissances. République parlementaire fédérale, l'Inde ne peut compter sur les mêmes atouts que la
Chine populaire, soit un système centralisé, autoritaire, qui impulse des politiques suivies par les groupes à
capitaux publics – comme privés désormais. Néanmoins, l'Inde s'appuie sur un secteur privé atomisé et
dynamique qui a lui-même animé la relation indo-africaine dans les années 1990. L'État ayant suivi les
entrepreneurs, les investissements directs à l'étranger ont été accompagnés par les lignes de crédit de l'Exim
Bank of India et chapeautés, politiquement, par les sommets Inde-Afrique. Huit ans après le premier Forum de
coopération Chine-Afrique de 2000, l'Inde a effectivement accueilli plusieurs chefs d'État africains soucieux de
diversifier leurs sources de financement et partenariats diplomatiques. Au troisième sommet de 2015 qui réunit
cette fois tous les pays africains, les lignes de crédit furent multipliées par deux, les prêts indiens étant passés
de 5 à 10 milliards de dollars. Si les chinois cumulent 60 milliards pour la période 2015-2018, ce n'est pas la
seule différence qui éloigne Chine et Inde dans leurs relations aux Afriques.
Avec 58 milliards de dollars échangés avec l'Afrique en 2015, l'Inde est certes devant les États-Unis
(53 milliards), mais elle peine à dépasser la France (70 milliards) et échange trois fois moins que Pékin
(178 milliards). Une autre dissimilitude réside dans les investissements directs à l'étranger puisque ceux
provenant du continent sont supérieurs à ceux originaires du sous-continent indien. L'Inde privilégie par ailleurs
les États possédant une façade maritime avec l'Océan Indien, comme en témoigne le corridor de croissance
Asie-Afrique conjointement souhaité par le Japon et New Delhi, pendant des Nouvelles routes de la Soie
chinoises. Si le gouvernement indien ne peut pas directement s'appuyer sur sa diaspora, il dispose toutefois de
deux avantages structurels sur la Chine : un secteur privé dynamique avec lequel il créé des co-entreprises pour
remporter des marchés convoités et concurrentiels (énergie), et une politique réellement orientée vers le
transfert de savoir-faire, soit l'un des principaux reproches adressés à la Chine populaire. Profitant de cette
représentation, réelle ou générée, l'Inde vise certains marchés délaissés par la concurrence chinoise et pour
partie occidentale : l'agriculture et l'industrie pharmaceutique.
Ayant eu des difficultés à définir une politique africaine et « tiers-mondiste » après l'échec de Bandung, l'Inde
entend rattraper un retard conséquent. Dans ce cadre, l'Afrique fait figure de levier pour accéder au statut de
puissance internationale. En définitive, cette politique africaine indienne, récente, représente un défi
supplémentaire pour les États regroupés au sein de l'Union africaine.