Oubliées, exposées ou détruites, que disent les œuvres d'art du Nigeria produites au XXème siècle ?
Emmanuelle Spiesse  1@  
1 : Les Afriques dans le monde
Sciences Po, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR5115, Centre National de la Recherche Scientifique - CNRS

Visibles dans les galeries, les musées et autres lieux d'exposition privés on non, les œuvres d'art permettent d'abord de rendre compte ou de diffuser une esthétique. Au Nigeria, des années 1920 à nos jours, les artistes exposent et vendent aux différents publics des œuvres qui parfois eurent un grand succès, puis furent un temps oubliées ou décriées, et qui, parfois, peuvent être redécouvertes par la suite par les plus grandes galeries d'art contemporain du monde. Le cas des peintures du portraitiste Aina Onabolu est à ce titre parlant. Collectionnées par la Tate Modern (Londres), les œuvres de cet artiste, parce que considérées comme coloniales, ne furent pas intégrées aux collections permanentes de la National Gallery de Lagos à son ouverture en 1982 mais en font pourtant partie depuis peu...

Cette communication s'interroge sur les enjeux liés à ce qu'on choisit ou non d'exposer ou de conserver. Que disent ces reconnaissances et visibilités aujourd'hui données à certaines œuvres plutôt qu'à d'autres ? Celles-ci ne signent-elles pas aussi la méconnaissance d'autant d'œuvres restées, elles, invisibles et qui pourraient peut-être raconter autrement l'histoire ? Par exemple, les œuvres de Middle Art, artiste qui peignit de nombreuses scènes de la guerre du Biafra (1966-1969), œuvres collectionnées par Ulli Beier et aujourd'hui conservées à Iwalewas Haus (Bayreuth, Allemagne), jamais exposées au Nigeria, ou, plus près de nous, les œuvres interdites voire détruites pendant les périodes de dictatures et exposées dans les galeries privées lagosiennes, ou encore l'œuvre de Dilomprizulike, le Junkyard Museum de Lagos entièrement démoli en 2006. En suivant les débats liés aux choix de présenter ou non des œuvres à des publics, que ce soit à travers des catalogues, des articles de journaux, ou d'autres publications, on comprend les contraintes dues au contexte historique, politique et social. Si l'on accède aisément aux discours produits par/sur les œuvres conservées, quelle histoire les œuvres qu'on choisit de ne pas montrer peuvent-elles susciter et, au-delà, quels en furent, en sont les enjeux ? Quelles conséquences eurent/ont ces choix sur la transmission des connaissances artistiques, sur le rôle de l'artiste aujourd'hui qui se doit d'être visible internationalement ?


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