La catégorie « classes moyennes africaines » s'est imposée comme une catégorie de référence dans les sphères économiques et politiques (cabinets de conseil, experts, entreprises, organisations internationales de développement, etc.). Popularisées par le rapport de la Banque Africaine de Développement (BAD) de 2011, les «classes moyennes africaines » sont régulièrement érigées en symbole du dynamisme économique et démographique du continent et en vedettes de l'espoir d'une « Afrique émergente ». Leur émergence annoncée alimente un certain nombre d'attentes : croissance tirée par la demande intérieure, nouveaux marchés potentiels, démocratisation, etc.
Les travaux de recherche ont montré d'une part les faiblesses des bases empiriques sur lesquelles reposent l'affirmation de leur émergence et d'autre part, que les corrélations positives qui sont lui systématiquement associées (développement, démocratie, harmonie sociale) sont non validées et relèvent de la croyance et du sens commun. La catégorie reste néanmoins largement mobilisée et continue d'alimenter le narratif d'une Afrique au futur réputé désirable. Il s'agit ici de déconstruire le récit des « classes moyennes africaines », et de décrypter les modalités argumentatives sur lesquelles il se base et prend forme. Nous verrons comment, bien que fondé sur des bases empiriques particulièrement incertaines, le discours sur les classes moyennes africaines s'est imposé comme légitime par sa répétition dans différentes sphères, motivées par des attentes et croyances souvent partagées.