Le fait religieux est à la fois ontologique et culturel. Ontologiquement, il se donne comme inscrit dans l'être de l'homme en sorte que, selon le mot de Bergson, il n'y a jamais eu de société d'hommes sans religion. Le religieux est culturel en sa manifestation qui est à la fois polymorphe et dynamique dans l'espace et le temps. Or, dans l'espace africain où la religiosité est à tous les rendez-vous du quotidien humain, le printemps des conversions aux religions monothéistes dites révélées qui a accompagné la temporalité coloniale s'est déployé selon une dynamique à cheval entre radicale métanoïa et quête (ou conservation) d'une identité religieuse tenant compte des us et coutumes africaines. Ainsi, de la négation acculturante des religions ancestrales à la prise de conscience de valeurs qu'on tendait à nier sans discernement, la conversion se donnera à la fois comme dépassement et comme nécessité d'un ressourcement susceptible de conférer plus d'enracinement à la pratique adoptée. N'est-ce pas qu'il n'est pas de rencontres de cultures sans emprunts ? N'est-ce pas aussi qu'il n'y a pas d'enracinement si cet emprunt est négation radicale de soi ? La rencontre des religions (celle du colonisé et celle du colonisateur) a conduit, dans le temps, sur un chemin imposant un choix entre trois ramifications: celle d'une conversion-fondamentaliste prétendant à une négation de toutes cultures ancestrales ; celle d'une conversion-ouverte intégrant des valeurs propres à l'Afrique dans la pratique et la liturgie tout en conservant le sens et l'essentiel théologique ; celle d'une conversion-africaniste qui butinent dans toutes les pratiques religieuses pour accoucher d'une religiosité sensée exprimer le mieux la réalité africaine. Ces tendances font respectivement appel à une acculturation, à une inculturation et à un syncrétisme.
Le fait est cependant que des religions classiques aux religions d'obédiences pentecôtistes, des fondamentalismes aux authentismes, les pratiques religieuses en Afrique se parent, à des degrés différents, de morceaux choisis dans les cultures africaines pour tendre au cœur de l'homme africain. Toujours est-il que butinage religieux et hybridisme culturelle sont incontournables et donc que les phénomènes de conversions religieuses ne sauraient prétendre à une identité religieuse figée, la métanoïa religieuse étant de la nature du processus continu qui s'impose dans toutes les rencontres culturelles.
Ainsi, le problème qui sous-tend la démarche de cet article est le suivant : quel type de conversion pour un mieux-être de la pratique religieuse de l'Africain ? L'enjeu du débat qui se trouve ici soulevé et qui met sur la balance authenticité africaine et authenticité doctrinal des religions, est celui du mode d'être de la conversion ou de la reconversion pour la profondeur de l'engagement relationnel du converti avec la transcendance et la société.