Depuis l'Indépendance haïtienne en 1804 la question du cadastre de terres de la République est au centre des tentatives de gestion étatique du foncier. En 1984 a été créé l'Office National du Cadastre (ONACA) avec le soutien de la Coopération allemande amenant à la mise en œuvre d'un modèle de cadastre juridique. Ce projet de réalisation d'un cadastre général de la République par l'ONACA a fait long feu et, après quelques années, seuls environs 5% de l'étendue du territoire avaient été pris en compte (le défaut de financement ayant pratiquement mis fin à l'expérience, sinon à l'institution elle-même). La mise à jour de l'information foncière sur les zones cadastrées est restée par ailleurs extrêmement partielle.
Le séisme de janvier 2010 et les difficultés rencontrées dans les interventions de reconstruction ont soulevé le voile sur l'incertitude quasi générale sur la propriété des terres dans le pays, ravivant l'intérêt pour cette question. C'est ainsi que dès février 2010, le président haïtien en exercice alors, René Préval, faisait connaître au président Sarkozy en visite à Port-au-Prince, son vœu d'un appui pour la réalisation d'un cadastre. Le MAEE a alors lancé le « Projet interministériel et interprofessionnel Cadastre et sécurisation foncière ». En parallèle, la Banque Interaméricaine de Développement (IADB ou BID) déjà très investie dans le pays, particulièrement en milieu rural proposa rapidement un projet de grande envergure, intitulé « Projet de Sécurité Foncière en Milieu Rural » dans deux de ses zones d'intervention, en coordination et en complémentarité avec le projet financé par la France.
C'est le Comité Interministériel pour l'Aménagement du Territoire (CIAT), créé en 2009, qui fut désignée pour coordonner l'ensemble. De fait, le CIAT s'est trouvée prendre en charge d'abord une première expérimentation pilote sur quelques quartiers urbains de la zone métropolitaine, avec l'appui français, puis, avec le soutien de la BID, sur une commune rurale du Département du Sud.
En 2018, après plus de 5 ans d'interventions, on constate que les actions menées sur le terrain sont assez loin de ce que l'on pouvait imaginer d'un cadastre mais qu'il n'en est pas moins clair qu'une certaine appropriation a eu lieu...
Pour autant, les présupposés sur lesquels repose le financement international d'un tel projet, restent très éloignés des réalités haïtiennes. Entre projections d'Institutions d'aide venant de pays dont les pratiques foncières sont elles-mêmes très diverses, et attente d'Etat et d'une certaine mise en ordre des choses du point de vue des populations locales, on essayera de montrer en quoi, si tant est que l'on puisse parler de quiproquo, celui-ci n'est peut-être pas improductif, dans ce contexte éminemment complexe.